Année 2004-2005 : 22 mars 2005

La couleur locale dans les romans policiers italiens,

par Pierre Staelen

 

 

Nino Filastò.

Avec le florentin Nino Filastò nous voici en Toscane. Avocat pénaliste à Florence, Filastò s’est trouvé au cœur de l’action de justice pour des affaires célèbres, telles que le monstre de Florence, l’attentat de l’Italicus, celui du train 904, l’incendie du ferry Moby Prince, etc...

Son personnage principal, l’avocat Scalzi, possède son étude dans le quartier Santa Croce, comme Filastò. Et on peut penser que , comme Scalzi, l’auteur a le goût des œuvres d’art, faisant de la peinture de Masaccio le sujet d’un de ses romans. Peut-il en être autrement, à Florence, dont Scalzi connaît tous les musées aussi bien que le Palais de Justice ?

Un ancien collègue de Scalzi, Barberini, l’entraîne dans des enquêtes inattendues et poursuivies de façon nonchalante. Les époux Barberini sont eux aussi de purs florentins, cultivés, amoureux des belles choses, Madame Barberini est la cuisinière raffinée de recettes qui remontent à la Renaissance. Monsieur Barberini préfère le cigare toscan, qu’il fume à l’excès.

Au cours de ces enquêtes, Scalzi s’éloigne quelquefois de Florence et l’action se transporte alors à Pise, Viareggio, Empoli ou Livourne, mais toujours en Toscane.

Le style léger et ouvert de Filastò est peut-être loin du roman noir à l’américaine, mais sa connaissance du monde judiciaire italien est parfaite, et ses méthodes au prétoire de contre-interrogatoire à l’américaine, nous rapprochent du giallo de type anglo-saxon apprécié de nos jours.

 

Le Palio de Sienne avec Fruttero et Lucentini.

On ne peut passer par la Toscane sans citer à nouveau Fruttero et Lucentini qui ont réalisé avec « Il Palio delle Contrade Morte », traduit en français par « Place de Sienne côté ombre », un roman plein de mystère, mais aussi de révélations sur l’organisation du fameux Palio.

Au fil d’une intrigue bien nouée on s’instruit sur l’histoire du Palio et de ses fameuses contrades, on entre dans l’intimité des cavaliers, on découvre les complexités des règlements et des traditions, on pénètre le secret des préparations et les expédients choisis par les équipes. Une lecture recommandée d’un texte qui n’a pas vieilli.

Sheol de Marcello Fois.

Avant de descendre vers le Sud et les îles, passons par Rome, pour une visite offerte par Marcello Fois.

Dans le roman intitulé Sheol, l’inspecteur Ruben Massei, juif de naissance, sauvé et recueilli durant la guerre par une famille chrétienne, réalise à travers Rome une enquête sur l’assassinat d’une femme juive, ce qui le ramène 50 ans en arrière à la recherche de son identité. En même temps que son habilité à passer du présent au passé, nous dévoilant petit à petit la solution de l’énigme, Marcello Fois nous fait vivre la vie ordinaire de la ville éternelle, dans une composition utilisant quand c’est nécessaire le dialecte romain si vivant.

Carlo Emilio Gadda.

Le livre de Gadda intitulé «  Quer pasticciaccio brutto de via Merulana », en français « L’affreux pastis de la rue des Merles » a été écrit en 1957; c’est l’un des premiers grands romans policiers italiens. Gadda est un auteur peu connu en France, mais qui occupe une place importante dans la littérature italienne. Ancien ingénieur, écrivain philosophe, son style habituel déroute par l’étalage de son érudition et son penchant à la parodie. Dans le pasticciaccio Gadda demeure simple et nous livre, en suivant l’enquête du commissaire Ingravallo, une délicieuse peinture de la petite bourgeoisie romaine de l’époque.

Gadda, qui était milanais, s’est servi de ce roman pour écrire des dialogues en dialecte romain; ils ajoutent un piment irremplaçable à la narration, imprégnée des réflexions du commissaire Ingravallo, que l’on appelle Don Ciccio, et de sa désarmante ironie.

   

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