C’est à Milan que se déroulent la plupart des romans du père du « giallo », Giorgio Scerbanenco.
La vie de Scerbanenco est exceptionnelle et mérite qu’on s’y arrête : né à Kiev en 1911, d’un père ukrainien et d’une mère romaine. Son père, professeur, portait un uniforme, et c’est selon Giorgio ce qui lui valut d’être fusillé par les révolutionnaires. Sa mère réussit à embarquer avec son fils à Odessa sur un navire italien. Élevé à Rome, il se transfère ensuite à Milan, où pour vivre il travaille à la chaîne à la Borletti. Il s’instruit par la lecture, en mathématiques, en philosophie, en théologie, et comme beaucoup de futurs « giallisti », écrit pour les journaux des feuilletons, des romans d’amour. Durant la guerre il doit se réfugier en Suisse. Puis il continue d’écrire, pour le Corriere della Sera; enfin son premier roman policier, « Venere privata », connaît un immense succès. Il sera suivi de beaucoup d’autres, jusqu’à sa mort en 1969.
Les meilleurs de ses nombreux romans, implantés à Milan, ont pour héros un médecin rayé de l’Ordre pour euthanasie, Duca Lamberti, qui après trois années de prison devient sans le vouloir enquêteur. D’origine romagnole, Duca Lamberti a fait de Milan sa ville d’adoption. Il y fait vivre des personnages typiquement milanais, qui utilisent le dialecte meneghino des milanais. Son roman « Traditori di tutti », en français « À tous les râteliers », évoque des formes de corruption et de terrorisme que Milan connaîtra plus tard de façon diverse et amplifiée avec Mani Pulite et Lotta Continua.
L’implantation régionale de ces romans est sans doute la première dans l’histoire récente du « giallo », qui grâce à Scerbanenco s’éloigne du modèle anglo-saxon pour fournir un modèle parfaitement « Italia Nostra ». Il fallait un ukrainien de naissance pour réussir cet exploit !
Renato Olivieri.
Milanais d’adoption, Renato Olivieri a créé un personnage, le vice-commissaire Giulio Ambrosio, partiellement inspiré du Maigret de Siménon. Giulio Ambrosio aime parcourir les rues de Milan, se promener dans ses parcs, observer ses immeubles néoclassiques, ses villas de style « liberty » couvertes de glycines. Il aime surtout regarder les objets rares ou curieux sur les étals des brocanteurs ou les magasins des antiquaires, si nombreux à Milan, ou les observer dans les maisons qu’il visite au cours de ses enquêtes; ces objets lui font comprendre l’esprit des personnes à qui ils appartiennent.
Artiste et raffiné, Giulio Ambrosio apprécie les tableaux du 19° siècle lombard, ou de Toulouse-Lautrec, les meubles de style, mais aussi les plats de poisson des Trattorie Toscane, accompagnés d’un Pinot Grigio servi dans des calices verts. Ou bien une côtelette à la milanaise, beaucoup de citron, un Cabernet du Frioul, et une salade de tomate et de rùcola, avec un petit oignon coupé très fin. C’est un véritable esthète !
Andrea G. Pinketts.
Auteur singulier, Pinketts est lui-même un personnage exceptionnel. Né à Milan en 1961 d’un père irlandais et d’une mère trentinoise, il a exercé plusieurs métiers ; acteur dans des romans-photos, mannequin pour Armani, instructeur d’arts martiaux, journaliste d’investigation, détective municipal pour la commune de Cattolica, etc... Comme auteur de romans policiers il a créé un mouvement littéraire appelé la « Scuola dei Duri » qui a pour objectif l’analyse approfondie de la société par le biais des histoires policières.
Son héros, le détective Lazzaro Sant’Andrea est un peu Pinketts lui-même, Comme lui il apprécie la bière comme désaltérant, fume force cigares toscans, mais demeure toujours très lucide, élégant et séduisant. Ses enquêtes font évoluer des personnages étonnants, dans une ville de Milan mystérieuse et glauque, labyrinthique et hallucinante.
Le style particulier de Pinketts plaît beaucoup aux jeunes : plein d’une imagination débordante, son originalité repose sur des métaphores imprévisibles, sur des jeux de mots inattendus, sur l’humour d’actions paradoxales ou illogiques. L’un de ses romans s’appelle du reste « Le sens de la Formule ». On adore ou on déteste, et par moment on s’y perd.