Ce n’est pas l’image touristique de Naples, ni la bonne humeur ou le pittoresque de sa population que nous présente Giuseppe Ferrandino dans ses romans noirs. C’est l’image criminelle de Naples, celle que l’actualité nous rappelle malheureusement tous les jours, et que Ferrandino dépeint fidèlement.
Son premier roman (il était auteur de bandes dessinées) s’appelle Pericle il Nero, Périclès le Noir. Ferrandino y donne la parole à Périclès, personnage peu reluisant, qui raconte, dans son langage primaire et grossier jusqu’à l’absurde, comment il échappe à la Camorra, qui le poursuit en raison d’une maladresse. Chargé d’exécuter un contrat, il a blessé par erreur la soeur d’un chef de bande, elle-même la pieuse chef de file des implorantes de San Gennaro. On est au coeur de Naples, que Ferrandino connaît comme sa poche, on en visite les beaux quartiers (le Vòmero), aussi bien que les bassi de Spaccanapoli. Les critiques français ont aimé ce roman et ses prolongements parfois grotesques, les critiques italiens préfèrent son caractère sombre et son réalisme, malheureusement bien proche du sort véritable de cette partie de la population qui vit dans l’ombre de la Camorra.
La Sardaigne et Marcello Fois.
Notre première sortie du « continent » est pour la Sardaigne. Non pas la Sardaigne de l’Aga Khan, mais celle de la Barbagia. En effet, Marcello Fois a implanté la plupart de ses romans à Nuoro, petite ville de 40.000 habitants, ville natale du prix Nobel Grazia Deledda, et qui est la principale ville de la Barbagia.
Marcello Fois connaît mieux que quiconque la ville de Nuoro : il y est né. Bien que vivant à Bologne il était co-fondateur en cette ville du groupe des 13 il demeure hanté par le souvenir de son île, qu’il nous fait vivre dans ses romans avec un immense talent d’écrivain.
Romans policiers par le sujet et l’intrigue, ils ne nous présentent pas des enquêtes savantes, et des criminels chevronnés finalement démasqués. S’il s’agit trames embrouillées, comme il sied au roman policier de tradition, ce n’est pas de cette tradition-là dont raffole Marcello Fois. Ses personnages, l’avocat Bustiani, le juge Corona, l’adjudant Pili, connaissent mieux que quiconque leur île et ses habitants. Toujours prêts à aider les policiers du continent, un peu perdus dans les méandres des coutumes et de la langue locales, ils demeurent ancrés dans la réalité locale dont ils partagent les ambiguïtés, à défaut d’en approuver les outrances.
Les romans de Marcello Fois, souvent dramatiques, sont une puissante invocation de la dure réalité de la terre sarde. Ils se déroulent vers la fin du 19° siècle, ou bien à notre époque. Leur cadre est la ville de Nuoro et ses environs; sans en faire une description détaillée, Fois nous la livre comme décor : Corona emprunte ses rues, contemple ses monuments, Bustiani se promène dans les collines voisines, leurs enquêtes se plient à tous les aspects de la vie locale, elles nous font connaître les processions et les pèlerinages, le parler et les dictons si pittoresques, les plats rustiques et parfumés des paysans, la montagne environnante (le Supramonte et le Gennargentu), le climat fantasque aux excès pluvieux ou aux poussées de sirocco, et surtout les coutumes ancestrales qui quelquefois mènent au tragique...