J6, jeudi 26 juin : FAENZA-DOZZA

Découvertes

 

Ces deux villes sont assez proches de Cervia, et l’heure de départ est reculée à 8 h 30. Dans le car, Geneviève la présidente explique leur présence dans le programme. S’agissant d’un voyage « découverte », Acorfi a demandé d’y inclure des centres mineurs ou des bourgs pittoresques, peu fréquentés par les tour-opérateurs.

Faenza fait partie de ces « centri minori » (environ deux cents dans toute l’Italie). Ville de 50 000 habitants, sur la via Emilia, sa spécialité est la faïence (qui lui a donné son nom). Notre intérêt pour les faïences avait été éveillé par des lectures dans le car sur la guéguerre (sans casse) de la faïence et de la porcelaine, et un exposé impromptu de Gisèle Karczenski.

Notre guide Federica assure elle-même la visite de la ville. Le car nous laisse à proximité de l’Institut de l’Art de la Céramique, d’où nous allons à pied vers le Musée International de la Céramique. En passant, Federica fait remarquer les plaques des rues en faïence, portant l’insigne du « rione » (quartier). Il y a quatre quartiers répartis également autour du centre-ville, plus un cinquième au delà de la rivière Lavone. Ils ont chacun leur couleur, et s’affrontent lors du Palio annuel.

Je tenterais bien d’expliquer le but de la compétition si je la comprenais moi-même. Il me semble qu’un vrai Palio italien se doive d’obéir à des règles obscures comprises uniquement des natifs de la ville, l’opacité des règles n’ayant d’égale que l’acharnement des locaux à les mettre en avant dans la défense de leur couleur.

Federica nous cite les détails essentiels du Palio : à l’origine le passage de l’empereur Barberousse en 1164, chaque quartier représenté par un cavalier qui, sur un cheval lancé au galop, doit atteindre avec sa lance un disque placé sur un mannequin maure, lequel rappelle la menace que faisaient peser jadis les sarrasins (?). Ce mannequin porte le nom de Niballo, abréviation d’Annibal, appelé lui aussi à jouer son rôle dans cette affaire...

Cette compétition se déroule en costumes d’époque, étant précédée d’un défilé historique, et d’autres animations de quartier. L’existence de ce Palio qui attire la foule démontre à elle seule la vivacité de la vie locale, surprenante pour une petite ville.

Arrivés au musée, Federica explique la fabrication de la faïence et les diverses températures de cuisson, décrit son origine, favorisée par la présence de fine argile dans la région, par le développement de l’artisanat, par les relations fluviales grâce au Lamone, qui mène à Ravenne, et la position géographique de la ville.

Les objets sont très bien présentés, les différentes salles illustrent les procédés utilisés au cours des âges et selon les besoins. Personnellement je garde de cette grande visite un souvenir ébloui, et l’intérêt constant de tous, malgré la chaleur. Federica choisit dans les vitrines les objets à mettre en valeur, mais pour résumer je dois me contenter de l’énumération des styles :

  • le Moyen Âge et les faïences d’usage courant, pots et plats ;
  • la Renaissance et le style « compendiario » (qui serait le terme des archéologues pour désigner la peinture romaine du Ier siècle après J.-C.) ;
  • le style « graffito » ;
  • le style « garofano » (œillet) ;
  • la faïence blanche (bianchi di Faenza) aux tons jaune et bleu, réputée à l’époque dans toute l’Europe ;
  • la faïence des différentes régions d’Italie ;
  • les ex-voto d’Emilie-Romagne ;
  • enfin des faïences d’artistes français bien connues (Picasso, Matisse).

En sortant nous nous dirigeons vers le centre. Les deux places principales, à arcades, sont occupées par le marché hebdomadaire. Arrêt face à la cathédrale et séparation en deux groupes : les uns restent sur place pour visiter la cathédrale (et à sa fermeture trouveront refuge dans le restaurant tout proche), les autres entreprennent la traversée du rione Nero — ce qui permet d’admirer les palais du XVIIIe serrant les ruelles — vers l’atelier de la créatrice Laura Silvagni, en passant par la statue de Torricelli, inventeur du baromètre et originaire de Faenza. Arrivés à l’atelier où l’on voit travailler Laura Silvagni elle-même, les acorfiens, stimulés sans doute par la brillante visite du musée, se déchaînent dans une minifrénésie d’achats, revenant satisfaits et chargés vers l’abri bienfaisant du restaurant.

Le repas terminé, le marché a disparu et le centre ville peut être apprécié. Au groupe rangé sous la protection des arcades, Federica rappelle l’histoire de la ville, dont je retiens des éléments (aidé par les notes de Claude Alzac) :

  • création d’époque romaine, colonisation par allocation aux centurions retraités de terrains dont le quadrillage serait encore visible sur vues aériennes :
  • le nom faenza ou faventia, est dérivé du latin favor, « la bienfaisante », comme le rappelle André Lingois ;
  • destruction lors des invasions barbares, reconstruction au XIe siècle ;
  • du XIVe siècle jusqu’au début du XVIe les seigneurs de la ville sont les Manfredi qui à partir de Francesco Ier, forment une véritable dynastie ;
  • les premiers monuments de la ville sont édifiés durant cette période, dont la grande place allongée formée des deux places (Piazza del Podestà et Piazza della Libertà) avec les monuments qui les bordent ;
  • puis Faenza passe sous la domination papale jusqu’en 1860. Les nombreux palais de la ville sont créés à cette époque.

Face à nous la cathédrale dont la construction initiale remonte à la Renaissance, la tour de l’Horloge, reconstruite après être abattue durant la dernière guerre et le Palais du Podestà, à double arcade, la première de la Renaissance, la seconde du XVIIIe siècle. Derrière nous le Palazzo del Municipio, lui aussi remanié. Ces ajouts parfois excessifs ne déparent pas cependant la noblesse de la ville, qu’il conviendrait de visiter plus longuement malgré la chaleur, mais il faut nous diriger vers la fraîcheur de Dozza.

Empruntant la via Emilia vers Bologne, nous traversons Imola, puis obliquons vers le sud. Quelques kilomètres, et la colline sur laquelle est bâtie Dozza se présente à nous. Le car laissé en bas, nous gravissons une allée droite et ombragée qui, après une arche et une longue ruelle d’aspect moyenâgeux, mène à la place du château. Plus tard, une deuxième ruelle parallèle fera la descente. Quelques placettes, une église et une mairie, c’est tout Dozza. Avec un charme captivant, dû on ne sait à quoi, au calme du lieu, à l’ancienneté des maisons, au panorama qui nous est promis arrivés au sommet, aux traits romantiques du château qui nous y attend ?

Ou bien plutôt aux dizaines de peintures dont la « Biennale del Muro Dipinto » parsème les murs des villageois. Cette manifestation a lieu en septembre tous les deux ans, attirant beaucoup d’artistes. Limité en connaissances, je n’ai pas retenu le nom des artistes, dont beaucoup seraient célèbres, mais il y aurait quelque part un dessin d’Hugo Pratt représentant Corto Maltese vantant le vin d’Albana. L’une ou l’un d’entre nous l’aurait-il vu ?

En ces heures chaudes c’est notre groupe qui fournit tout en baguenaudant l’animation des ruelles, les quelques bars ou magasins sont fermés, mais nous trouvons sur la place du château un bar accueillant ou des refuges ombragés et charmants. Les plus intrépides vont jusqu’au château, dont certains parait-il auraient escaladé le donjon, d’autres explorent hardiment la cave-œnothèque (Enoteca Regionale dell’Emilia-Romania) parfaitement approvisionnée, entre autres du vin des vignobles d’Albana cultivés sur les pentes.

Après l’enchantement des découvertes, c’est une joyeuse descente vers le car, agrémentée d’arrêts photographie des tableaux surprises qui se présentent à chaque recoin des maisons.

Ma curiosité demeurant insatisfaite — je n’étais pas présent (ou attentif ?) — lors des explications que Federica a peut-être données, j’ai recherché des renseignements sur Dozza.

Le bourg est classé parmi les deux ou trois cents bourgs pittoresques d’Italie. Certains d’entre nous ont recueilli sur place le dépliant présentant les sept bourgs d’Emilie-Romagne, appelé « I Borghi più belli d’Italia, il fascino dell’Italia nascosta » (Les plus beaux bourgs d’Italie, la fascination de l’Italie cachée)

Bâtie en prolongement de son château, protégée par une enceinte, Dozza a une origine moyenâgeuse. Transformée par Catherine Sforza, suzeraine d’Imola au XVe siècle, elle est demeurée inchangée, sauf le château fort devenu palais.

Au titre de sa renommée artistique, Dozza serait jumelée avec Montparnasse…

Pourquoi le village parait-il un peu dépeuplé ? C’est qu’il n’habite désormais que deux à trois cents habitants dans son centre historique, vivant en partie de sa vocation touristique. La commune elle-même compte 5 600 habitants, dont la plupart vivent dans la fraction de Toscanella, sur la via Emilia, où se trouvent les entreprises.

Il y a des projets d’exploitation touristique de Dozza, visant toutefois à conserver sa ligne culturelle et le pittoresque de ses habitations. Il existe déjà dans les limites de la commune un hôtel quatre étoiles construit dans un ancien monastère franciscain du XIIIe siècle. Je ne connais pas le prix des chambres, qui ont sans doute perdu un peu de leur simplicité monastique.

 

Quelques liens :

  • Le site de la commune de Faenza (en italien),
Romagne '08