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7 décembre 2021

 

Shakespeare, l'Italien"

par France BELLISLE

 

Une nouvelle conférencière, France BELLISLE, originaire du Québec, directeur de recherche à INRA, spécialiste des aspects psychologiques de la nutrition, est venue ce mardi 7 décembre 2021, nous présenter :


William Shakespeare, l'Italien.

Une conférence portant un tel titre ne pouvait qu’interroger et flatter les adhérents de l’ACORFI.

 

William Shakespeare, le poète, le dramaturge anglais par excellence, fut un amoureux de l’Italie. Sa passion de l’Italie s’est exprimée d’abondance dans son théâtre et sa poésie.

William Shakespeare naît en 1564 à Stratford-upon-Avon, petite ville du centre de l’Angleterre, dans une famille de notables. Il fréquente dans sa jeunesse la Grammar School de Stratford, où les écoliers fréquentent les poètes latins.

Il se marie à Stratford en 1582. Puis en 1586, on perd toute trace de lui jusqu’en 1592, période que ses biographes appellent : les années perdues. Qu’a-t-il fait pendant ce temps ? Il n’est pas interdit de l’imaginer parcourant l’Europe continentale avec une troupe de comédiens ambulants, peut-être jusqu’en Italie, ou jusqu’à Elseneur…

On le retrouve à Londres en 1593 où il fait partie d’une troupe de comédiens prestigieuse, celle du Lord Chamberlain. Il s’essaie aussi à l’écriture. L’Italie l’aura inspiré du début à la fin de son parcours.

En effet, parmi les 38 pièces que les spécialistes lui attribuent, près d’une vingtaine ont pour cadre l’Italie (il y en a moins qui se passent en Angleterre).

Les Deux Gentilshommes de Vérone nous montrent les aventures de deux jeunes étudiants partis faire des études à Milan. Roméo et Juliette est le cadre de violences urbaines qui ne seront calmées que par la mort des deux jeunes héros. À Padoue, nous sommes témoins de violences conjugales traitées sur le mode loufoque dans la Mégère apprivoisée. Le Marchand de Venise nous montre les mésaventures du riche armateur Antonio qui se voit obligé d’emprunter 3000 ducats à l’usurier Shylock. À Venise toujours, la tragédie rôde : le maure Othello, après avoir enlevé Desdémone, va finir par l’assassiner.

Florence au contraire est une ville où Tout est bien qui finit bien, et où la douce Hélène, abandonnée par son mari, le retrouve et arrive à gagner son amour après bien des stratagèmes.

Rome est le théâtre de quatre pièces de Shakespeare. Dans Jules César, l’assassinat de César par une conjuration de nobles conduit à la guerre civile. La tragédie Antoine et Cléopâtre nous montre Marc Antoine et Octave, le fils adoptif de César, s’affronter pour la domination du monde romain. Coriolan retrace le destin du général Marcius, grand héros de la République romaine en 493 av. J.-C. À Rome toujours, mais à une époque beaucoup plus tardive, nous assistons à la fin de l’empire après le retour de guerre du général Titus Andronicus. Rome est aussi le lieu d’une intrigue secondaire de la tragédie Cymbeline.

Gigi Proietti dans le rôle de Marc Antoine dans Jules Cesar (mars 2020)

Toujours plus au Sud, La Tempête survient au large de l’île du magicien Prospero, habitée par des esprits et des créatures sauvages. À la cour du roi de Sicile, Le Conte d’hiver nous montre la mort et la résurrection de la reine Hermione. Enfin, Beaucoup de bruit pour rien agite la propriété du Seigneur Leonato, à Messine, où l’amour triomphe de la calomnie.

À ces 14 pièces, on pourrait encore en ajouter trois dont le destin a détourné la géographie. Mesure pour mesure ne se passe pas à Vienne, mais bien à Ferrare. Le Songe d’une nuit d’été n’est pas situé à Athènes, mais bien dans « la petite Athènes », un quartier de la ville de Sabbioneta près de Mantoue. Enfin Les Joyeuses commères de Windsor ne doivent rien à Windsor mais tout à une novella italienne.

Une telle connaissance de l’Italie, une telle érudition foisonnante ont inspiré des doutes quant à l’identité de l’auteur de ces œuvres. Plusieurs beaux esprits ont émis des « doutes raisonnables » sur la paternité de William Shakespeare sur les œuvres qui lui sont attribuées. Parmi eux Henry James, Charlie Chaplin, Laurence Olivier et même Sigmund Freud et Jorge Luis Borges. Si l’auteur n’est pas William de Stratford, alors qui est-il ? Un véritable genre littéraire fleurit dans le monde anglo-saxon pour répondre à cette question. Plus de 60 candidats ont été proposés. Parmi eux un Italien : Giovanni Florio. Ce linguiste, polyglotte et érudit est né à Londres et a passé sa jeunesse sur le continent. Il est l’auteur de nombreux traités de langue italienne. Il a en outre brillamment traduit les Essais de Montaigne en anglais. Pourrait-il être le véritable auteur des œuvres signées Shakespeare ? Malheureusement, les critiques littéraires ont une piètre opinion de ses talents de poète.

La controverse continue aujourd’hui et de nombreux experts de l’œuvre de Shakespeare se déclarent agnostiques quant à sa véritable identité. Le mystère demeure.

Quel que puisse être l’auteur qui signe « William Shakespeare », son amour de l’Italie est éclatant dans toute son œuvre. Il a bien mérité le beau titre d’Italien et l’affection des membres de l’ACORFI.

Des applaudissements nourris ont salué tout l’intérêt de cette belle et originale conférence.

Vous pouvez écouter (et voir) la conférence en suivant les liens ci-dessous.
 
Petit diaporama
 
   

Vous pouvez retrouver l'extrait que France BELLISLE a proposé au cours de sa conférence, en suivant les liens ci-dessous (Seul le son a été intégré dans le diaporama).
Il s'agit du célèbre monologue de Marc-Antoine dans Jules Cesar, rôle tenu par Gigi Proietti. Cet extrait proposé sur You Tube est issu d'une représentation filmée par la RAI.

 
Petit diaporama