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30 avril 2019

 

Italie-France, l'influence de la première Renaissance italienne sur la France au temps des guerres d'Italie
(Charles VIII, Louis XII, François Ier )

par jean-Joseph DARDENNES

 

Mardi le 30 avril 2019, Jean-Joseph Dardennes, agrégé d’histoire qui enseigna longtemps à Reims nous a donné une conférence intitulée :


Italie France : influence de la première Renaissance italienne sur la France au temps des guerres d’Italie.

JJD300Ce nouveau rendez-vous avec l’Italie animé par notre conférencier Jean-Joseph Dardennes mit en valeur l’influence de la première Renaissance italienne sur la civilisation française. Impact né des guerres d’Italie qu’entreprirent successivement trois rois de France. Une très riche iconographie artistique accompagna cette démonstration passionnante.

L’époque dont parla le conférencier prit fin avec la mort de Leonard de Vinci en 1519. La guerre de Cent Ans terminée, les Rois de France songèrent à se tourner vers l’Italie pour faire valoir leurs prétentions à occuper certains états italiens dont ils étaient, en partie les héritiers, par le jeu des alliances avec les grandes Familles de la péninsule.

 

Ce fut Charles VIII qui le premier réclama son héritage sous prétexte que son père Louis XI fut l’époux de Charlotte de Savoie. La famille de Savoie gouverna un moment le Piémont que les seigneurs piémontais avaient reconquis, bien décidés à ne rien céder.

Ce même Louis XI avait un temps soutenu la famille des Medicis, riches banquiers dont les démêlés furent sanglants avec la famille aristocratique des Pazzi. Les Medicis avaient su remettre à flot d’argent ce roi de France, en difficulté financière. Pour les remercier, Louis XI leur fit un cadeau royalement symbolique : l’ajout de fleurs de lys à leur blason roturier qui portait déjà six boules ou pilules médicinales attestant leur métier d’origine. Il pouvait donc compter sur ce Seigneur dans la reprise de certaines terres italiennes dont il se voulait l’héritier.

 

D’autre part, la France était déjà en partie « italianisée ». Le comté de Provence dont le centre rayonnant était Avignon portait les marques de la civilisation humaniste de l’Italie. Les artistes Simone Martini et Laurana et travaillèrent pour les papes d’Avignon créant des chefs-d’œuvres toujours visibles dans les musées de la ville.

Le comté de Montpensier dont la capitale était Aigueperse sise en Auvergne avait pour comtesse Chiara de Gonzague issue de la famille seigneuriale de Mantoue. Les archives attestent d’une importante correspondance échangée entre Chiara et Isabelle D’Este marquise de Gonzague ainsi qu’avec sa cousine la duchesse Elizabeth D’Urbino. Elle fit venir à sa cour, Mantegna de Mantoue qui peignit un beau « Martyre de Saint Sébastien » (voir au Louvre)

 

La cause principale des guerres d’Italie réside donc dans la prétention des Rois français à l’héritage italien. Ils s’appuyaient aussi sur le règne du roi René d’Anjou qui régna un moment sur le royaume de Naples avant d’en être chassé par les Aragonais. On sait qu’il s’entoura d’une cour raffinée, humaniste, riche de trésors artistiques qui’ influencèrent son goût pour la civilisation Greco romaine.

Dès son retour en pays de France, il s’appliqua à doter ses domaines de transformations inspirées par son incursion en pays italien.

 

En 1494, Charles XII fut le premier roi de France à lancer son armée dans le but de conquérir des territoires italiens. Après Louis XI marié à Charlotte de Savoie (duché alors italien), il tenait à mettre la main sur Naples et ses merveilles artistiques en s’appuyant sur le Pape et Les Medicis. Il avait aussi des prétentions sur le Milanais, car il était allié à la famille des Visconti. Les nombreuses lettres écrites à son épouse, la reine Anne de Bretagne sans compter les commentaires de Commynnes font état des péripéties italiennes de son séjour guerrier. Entrée triomphale à Milan, le roi de France que les Italiens appelaient Il Petitto plut malgré son manque d’allure corrigé dès qu’il apparaissait à cheval.

 

C’est grâce à ce Roi que la Renaissance italienne s’implantera en France. C’était un homme très cultivé, qui s’intéressait à tous les arts honorés en Italie : Peinture tant avec Donatello que Paolo Uccello dont il acquit un des panneaux de la Bataille de San Romano. Ce roi se laissa séduire par la floraison italienne née des trésors de l’Antiquité Greco romaine dont Laurent de Medicis fut le mécène incontesté.

En 1485, Charles VIII fut reçu à Rome par le Pape Alexandre Borgia dont il admira les collections. Il se conduisit en touriste éclairé, visitant la ville antique mettant ses pas dans le Forum, le Colisée, le Capitole dont les vestiges commençaient à intéresser la société romaine des antiquaires désormais marquée du sceau de l’Antiquité dont les découvertes s’accumulaient dans la péninsule.

À Naples, héritage toujours revendiqué, il admira le Castel Uovo, vieux château médiéval embelli de rajouts élégants du type renaissance. Il fut frappé avant tout par la splendeur du jardin de Poggio Reale près de Naples : véritable paradis aux vergers opulents, structuré de colonnes de porphyre, embelli de fontaines et statues antiques. Charles VIII en reçut comme une leçon d’économie agricole (dont la découverte d’un four à couver mille poussins).

Il rencontra des artistes, admira Mazzoni sculpteur d’une « Mise au tombeau » appréciée pour ses drapés à l’antique. Il songea aux transformations qu’il apporterait dans son royaume de France. Il collectionna des monnaies antiques, admira la Chimère d’Arezzo, œuvre étrusque symbole de l’ancienne Italie et autres chefs d’œuvres qui faisaient partie de la collection de Laurent de Médicis.

Après la malheureuse théocratie de Savonarole qui périt sur le bûcher à Florence, les Médicis revinrent au pouvoir, mais Charles VIII doit quitter l’Italie et renoncer à ses ambitions. Pourchassé par les Vénitiens associés aux Aragonais après la bataille de Fornoue à l’issue incertaine, il s’enfuit et regagna la France, plus riche de projets que de territoire reconquis ! Avant de mourir en 1498, Charles VIII aura le temps de diffuser le goût italien au pays de France. Cette influence italienne se voit aujourd’hui encore à Château Gaillard où sera créé le premier jardin à l’Italienne riche de son orangerie, de ses potagers et autres arbres en espaliers.

Au château de Blois, le sculpteur italien Mazzoni apportera son savoir-faire. Françoise Giocondo travaillera au château d’Amboise tandis que l’artiste El Boccador apportera la « touche italienne » à l’Hôtel de Ville de Paris en y introduisant des éléments architecturaux de la Renaissance italienne.

 

Louis XII qui lui succéda poursuivit le rêve italien des rois de France. Après avoir épousé la veuve du roi Charles VIII, Anne de Bretagne, il se mit en route ultramontaine. Il rêvait de conquérir le Milanais dont il revendiquait la possession par héritage. Issu de la famille d’Orléans, il pouvait s’enorgueillir de descendre des Visconti de Milan. Raison d’entreprendre une nouvelle aventure guerrière. Entrée triomphale dans la ville de Gênes qu’il occupe. Il y découvre des ateliers de livres enluminés qu’il collectionnera. Des découvertes artistiques à l’instar de Charles VIII, mais des succès très mitigés quant à la prise des villes revendiquées. Cependant, il saura, faire son miel des riches découvertes artistiques dont s’enorgueillit la péninsule en pleine évolution. Dieu n’est plus au centre de l’univers, c’est l’homme qui en est la mesure et le concepteur d’une nouvelle philosophie. Le roi de France s’intéresse donc aux architectes, artistes et humanistes de la première Renaissance. Il fera venir en France la famille des Justi qui construira son tombeau, sis dans la ville de Blois. En souvenir de la Chartreuse de Pavie, il choisira d’orner son monument funéraire de gisants reposant sous des arcs de triomphe.

 

Le Cardinal d’Amboise qui l’accompagnait reste une figure importante de la Renaissance française, car cet homme lettré connaît bien la culture italienne et ce pays où il vécut de 1500 à 1504.

Mécène avéré, il collectionna des œuvres d’art, dont des livres enluminés. Il fera restaurer son château de Gaillon dans l’Eure, en l’embellissant de loggias, de colonnes à l’antique, de putti, de bustes d’empereurs romains et de personnages mythologiques. Le cardinal d’Amboise fera reproduire dans son château, des studiolos recouverts de marqueteries telles qu’il les a admirées à Urbino et à Mantoue. Au château d’Ecouen, dans le chœur de l’Église, il fera sculpter des stalles de bois ornés de miséricordes riches en rinceaux, grotesques et putti. Puis l’influence de l’art italien se poursuivra avec le roi François 1er et la dernière guerre d’Italie.

Le conférencier évoque brièvement les exploits du roi : vainqueur à Marignan, défait à Pavie, il subira un long emprisonnement en Espagne. Bien plus tard, ce roi fastueux enchanté par les merveilles nées d’un nouvel art humaniste convainquit Leonard de Vinci de l’accompagner en France où il vécut au château de Cloux. L’artiste fit don au roi de 3 tableaux remarquables que vous connaissez : La Joconde, Saint-Jean-Baptiste et Sainte Anne.

Leonard eut le temps de faire le plan d’une ville à l’italienne sur le site de Romorantin, avant de mourir en 1519. Rêve brisé, mais l’influence de l’art italien fut évidente sur la terre de France, dans le Val de Loire particulièrement. Leonard reste la figure symbolique implantée sur le sol français.

 

Cette conférence brillamment illustrée et bien argumentée nous permit de mieux appréhender l’influence de l’art italien de La Renaissance sur la civilisation française. Elle en fut marquée profondément. Pensons à l’École de Fontainebleau dont les brillants artistes français se montreront de dignes héritiers de la culture humaniste italienne sur notre sol de France.

 

 

Vous pouvez écouter (et voir) la conférence en suivant les liens ci-dessous.
 
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