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21 janvier 2014

 

 

 

François Rabelais romipète ou : les folâtreries d'Alcofribas Nasier en Italie

par Daniel LABRETTE

 

DanielChareau St AngeCette conférence consacrée aux voyages de Rabelais en Italie fait suite à celle présentée le 5 mars 2013 . (voir le compte rendu sur ce site).
Notre conférencier Daniel Labrette a jusqu’ici abordé pour l’Acorfi des sujets très divers, historiques en majorité, qu’il traite à sa manière, spirituelle et conviviale, d’une érudition retenue. Cette fois il a choisi de nous parler d’un écrivain, Rabelais. Et l’on a pu voir ainsi à quel point il était à l’aise avec son personnage.
Peu parmi nous pouvaient s’imaginer Rabelais au delà de Gargantua et de Pantagruel, et surtout Rabelais voyageant en Italie. Nous le connaissions trop mal sans doute. L’un des mérites de cette conférence fut de mieux nous faire connaître Rabelais à travers ses voyages en Italie, que décrivait minutieusement notre conférencier. En effet, chacun des quatre voyages fournit des pistes à la découverte de cet homme aux multiples talents demeurés pour nous encore ignorés.
On découvre aussi un homme engagé dans l’histoire de son époque, histoire marquée par la rivalité entre Charles-Quint et les rois de France, François Ier puis Henri II. Les périodes incertaines de guerre et de paix qui alors se succédaient constamment reçoivent ainsi pour nous un éclairage particulier. 
Cette rivalité même se manifeste principalement en Italie et même à Rome, auprès des papes qui s’y succédèrent. Les séjours de Rabelais en Italie ont été relativement courts - le voyage lui-même était très long - cependant on a trouvé dans sa correspondance - et des extraits lus lors de la conférence - une image assez complète des relations que les français de haut rang avaient avec les italiens, ainsi que des mœurs de la Rome papale à cette époque.
Les deux voyages de Rabelais relatés dans cette deuxième conférence étaient dus à sa présence dans la suite des Du Bellay, Guillaume Du Bellay seigneur de Langeais pour le premier, et pour le deuxième une fois de plus Jean Du Bellay, dont il était le médecin.
Ces voyages furent très importants dans la vie de Rabelais, ce qui permit à notre conférencier de citer des descriptions ou des événements dont nous rappelons ici  quelques-uns.
Les Du Bellay d’abord : dans cette deuxième conférence apparaît le personnage complexe de Guillaume Du Bellay, homme de guerre, écrivain, gouverneur du Piémont, ambassadeur, et même espion; il semble même avoir transmis cette dernière faculté à Rabelais lui-même...

G. du BellaySon frère cadet le Cardinal Jean Du Bellay, fut lui aussi ambassadeur, et fidèle entre les fidèles à la royauté. Son intérêt pour l’archéologie romaine, partagé par Rabelais, lui permit de mettre la main sur des pièces de valeur qu’il envoya en France, un avant-goût des spoliations futures de notre histoire, souligne le conférencier.
L’entrevue d’Aigues-Mortes entre Charles-Quint et François Ier, où Rabelais fut présent semble-t-il, est l’occasion de nous éclairer sur ce point d’histoire.
La rivalité entre les rois français et Charles-Quint s’exprime le mieux par les intrigues de leurs ambassades à Rome, et aussi par le choix - disputé - du siège du concile de Trente, dont la phase finale se tint à Bologne, un terrain neutre sans doute.
Les guerres d’Italie se déroulaient dans une Italie alors morcelée entre divers états et dominée par Rome. Les mariages franco-italiens des souverains ou des grands de cette époque favorisaient les alliances aussi bien que les prétentions territoriales, et le conférencier nous rappelle à ce propos le mariage peu connu d’Orazio Farnese avec Diane de France, fille d’Henri II.
Une partie importante de la conférence est consacrée à la relation des fêtes données par Jean Du Bellay sur la Piazza Santi Apostoli à Rome, où se trouvait son palais, en l’honneur de la naissance de Louis d’Orléans, fils d’Henri II et de Catherine de Médicis. Ces fêtes somptueuses durèrent plusieurs jours, et Rabelais en fit une relation appelée la sciomachie. On souligne les espoirs exagérés que mettaient les français présents à Rome dans le nouveau né, imaginant un futur roi de France et d’Italie. Hélas le petit prince devait mourir deux ans plus tard.
Le prêtre Rabelais porte un jugement sèvère et sans appel sur la Rome papale. Cela ne l’empêche pas d’envoyer deux suppliques au Pape Paul III, la première afin d’obtenir la légitimation de ses deux enfants, François et Junie, la deuxième afin d’obtenir trois cures et leurs bénéfices. Toutes deux furent accueillies favorablement. On lui connaît encore un enfant, Théodule, qui mourra en bas-âge.
Au cours de sa conférence, Daniel Labrette ne manque pas de rappeler les attaches locales de Rabelais, telles la naissance à Orléans d’Etienne Dolée, ou le passage à Saint-Ay près d’Orléans, de Rabelais accompagnant Etienne Lorens seigneur de cette ville. Il cite Brantôme et Montaigne, signale la présence de Pierre de Ronsard à l’enterrement de Guillaume Du Bellay.
La première partie consacrée aux deux premiers voyages de Rabelais à Rome, faisait mention de sa participation à l’Accademia della Virtù, celle-ci le voit présent à l’Accademia dello Sdegno (ou dei Sdegnati), ce qui veut dire “du dédain”, ou “des indignés”. On le voit aussi fréquenter des personnalités telles que le secrétaire du Pape, son archéologue, des cardinaux comme le Cardinal Girolamo Della Rovere, etc...
Les liens de Rabelais avec l’Italie vont sans doute plus loin que ceux dus à ces quatre voyages. Daniel Labrette a bien souligné que Rabelais, épris des langues, connaissait sûrement l’italien, et aurait même écrit en italien des textes aujourd’hui disparus. Sa dernière œuvre, le “Quart Livre”, est parsemée d’italianismes.
C’est par une citation de Milan Kundera que prit fin cette conférence instructive et très divertissante sur Rabelais en Italie : dans son essai “L’Art du Roman” Kundera affirme entre autres que Rabelais avait écrit le premier grand roman européen.
Ensuite ce fut au tour des acorfiens d’applaudir chaleureusement le conférencier Daniel Labrette, manifestant toute leur satisfaction pour cette soirée réussie, après leurs questions et demandes d’explication, auxquelles il répondit volontiers.


 
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