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28 mai 2013

 

 

Napoléon à Venise

par Pierre STAELEN

 



jaquettePierreLa conférence s’appuie sur deux livres d’Alvise Zorzi, historien de Venise, et principalement sur “Napoleone a Venezia” (le livre n’a pas été traduit en français). Alvise Zorzi est issu d’une ancienne famille noble de Venise. Il a fait carrière comme journaliste, de presse et de télévision. Il est connu et apprécié pour ses ouvrages très documentés sur l’histoire sa ville.
Quand dans les salons de Venise on commence à parler du Général Bonaparte, la République de Venise était déjà très affaiblie. Elle avait dû abandonner aux Turcs la plupart de ses colonies en Mer Méditerranée. Mais sur terre elle possédait encore de vastes territoires.
L’étendue du domaine terrestre de la République peut s’apprécier à la vue des nombreuses statues du Lion de Saint-Marc que l’on rencontre à Vérone, Vicence, Padoue, Brescia, et même Bergame, près de Milan.
Lors de sa chute, le pouvoir à Venise était exercé depuis 14 siècles par différents corps qui se complétaient. L’organigramme reconstitué de Venise, présenté lors de la conférence, montre l’interdépendance de ces divers organes, comme le Conseil des Dix, le Sénat, les Doges, etc..., tous nommés par le Grand Conseil, ou Assemblée des Patriciens.
Cette assemblée, d’environ 1.100 Patriciens, existait déjà depuis un siècle, quand en 1297 on décida par la “serrata” (verrouillage) de la limiter à ceux de ses membres qui avaient siégé les quatre années précédentes, et leur descendance. C’est ainsi que naquit le corps social des familles patriciennes. Ces familles se liaient entre elles par le mariage, et leur union était inscrite dans le Livre d’Or.
Les patriciens formaient ainsi le corps de la noblesse de Venise. C’est parmi eux qu’on choisissait les hauts fonctionnaires, les officiers de l’armée et de la marine, et les doges. Les grands amiraux, qui firent la puissance de Venise, provenaient du patriciat, et la présentation montra les portraits d’amiraux célèbres, peints par de grands peintres.
Très entreprenants, enrichis par le commerce maritime, les patriciens contruisirent de magnifiques palais, pour la plupart sur le Grand Canal, dont furent montrés quelques exemples, ainsi que de magnifiques villas sur la terre ferme.
Pourtant toute cette puissance devait s’écrouler à l’issue de la première campagne d’Italie, exécutée sur les territoires vénitiens, bien que Venise se soit déclarée neutre. Mais Bonaparte et l’armée française font tellement peur aux patriciens, que ceux-ci , sur proposition du Doge lui-même, votent en grande majorité l’abdication du doge et de tout le Grand Conseil, et par conséquent la fin des institutions. La République de Venise n’existe plus; un temps occupée par l’armée française, elle est ensuite cédée à l’Autriche en vertu du traité de Campo-Formio.
Au cours de ces évènements les seules tentatives de résistance sont venues du peuple, à Vérone ou à Venise, et furent vite réprimées.
L’occupation autrichienne ne dure que quelques années, et la deuxième campagne d’italie a pour résultat de faire rentrer Venise et ses territoires dans la République d’Italie, devenue ensuite le Royaume d’Italie, avec pour capitale Milan, la rivale de Venise.

arsenalbucentaureOn pense généralement que la République de Venise, au moment de sa disparition, était totalement déchue comme puissance économique. Zorzi s’est attaché à démontrer par des exemples que Venise avait encore de beaux restes, dans les industries textiles, la papeterie, l’imprimerie, dans les métiers d’art, dans le tourisme avec ses fêtes et son carnaval, et surtout dans la construction navale avec son Arsenal, dont la flotte, y compris le Bucentaure, fut partiellement détruite par les français afin de ne pas la laisser aux autrichiens.
Faisant partie du Royaume d’Italie, Venise est alors soumise au vice-roi Eugène de Beauharnais, et surtout à Napoléon lui-même, qui se fait couronner roi d’Italie dans le Dôme de Milan, avec la couronne impériale de Charlemagne.
Napoléon n’est venu qu’une fois à Venise, fin novembre 1807. Les vénitiens lui réservèrent une réception fastueuse, objet d’un tableau qui fait la couverture du livre de Zorzi. Il était alors à Venise au sommet de sa popularité. Les poètes lui adressaient des louanges inouïes. Les artistes lui rendaient les plus grands honneurs. D’ailleurs les cercles littéraires lui étaient favorables. En étaient issus de grands écrivains ou poètes, comme Vincenzo Monti ou Foscolo. Pourtant dans ses lettres au directoire ou à Eugène de Beauharnais, Napoléon fait voir le peu d’estime qu’il a pour les vénitiens ou les italiens.
C’est la période d’un début de francisation administrative, d’administration selon le modèle de l’Empire français, avec départements et préfets, élévation de généraux au rang de ducs des grands villes italiennes, etc.. mais aussi rénovation du cadastre et création du Code napoléonien.
La ville même de Venise subit de profond changements, destinés à l’améliorer mais qui provoquèrent en même temps la destruction de nombreuses églises et monuments religieux. L’urbanisation de l’époque a laissé des traces, et la création de l’Académie l’a accompagnée. C’est aussi le temps de la création du cimetière de Venise, sur l’île Saint-Michel, apportant la solution d’un grave problème pour la cité.

napoleoncodeC’est dans cette période que l’on assiste à la spoliation de nombreuses œuvres d’art et leur envoi en France, parmi lesquels les Chevaux de Bronze de la Place Saint-Marc, qui avaient valeur de symbole pour les vénitiens.
Au sein de l’armée italienne les vénitiens participèrent à la défense de l’Empire, souvent contre leur gré, en subissant eux ausi la conscription. En même temps le blocus continental achevait de ruiner la ville et son port et provoquait une grave crise économique, le chômage et la misère.
Quand les Autrichiens prennent à nouveau possession de la ville en 1814, les vénitiens avaient abandonné tout espoir de constituer à nouveau un état indépendant.
Quelles conclusions tire Zorzi du passage de “L’homme du destin”, comme il appelle Napoléon? D’abord il rend hommage aux réformes, celles communes à tout le royaume d’Italie et celles propres à Venise, ajoutant à ces dernières le nouveau système scolaire et le réseau de routes de la Vénétie. Du côté positif il voit surtout le début, ni souhaité ni inspiré par Napoléon, d’un sentiment national italien.
Mais les aspects négatifs l’emportent semble-t-il, dus certes au double langage qu’il attribue à Napoléon, mais aussi à l’excès de burocratisation et de centralisation, à la fois de l’empire et du royaume.
Enfin, à part le fait pour sa ville de devoir rester pour longtemps en des mains étrangères, Zorzi regrette de la voir ainsi devenue, de capitale qu’elle était, une banale ville de province.
Cette conférence a été accompagnée par la projection de documents et d’images, et la lecture, en italien et en traduction française, de poèmes de Foscolo et de Léopardi.

 
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