Retour à la page de présentation des conférences de la saison 2012-2013 5 mars 2013
François Rabelais romipète, ou : les folâtreries d'Alcofrybas Nasier en Italiepar Daniel LABRETTE
Comme le rappelle la présidente, depuis le printemps 2006 Daniel Labrette nous présente tous les ans une conférence très appréciée. Les sujets sont toujours très divers et instructifs, animés de sa manière de conter. Et une fois de plus cette conférence, donnée devant une salle pleine, a rempli son office. Puis il “avoue” - c’est son expression - les nombreuses sources qu’il a consultées, y compris les vastes œuvres de Rabelais lui-même. La date de naissance de Rabelais ne nous est pas connue avec précision, sans doute l’année 1495, hypothèse la plus souvent retenue, ou même 1483, comme l’atteste une inscription (elle nous est montrée) que l’on peut voir sur la “fontaine Rabelais” à Saint-Ay près d’Orléans. Le lieu de naissance, siège actuel d’un musée, est la ferme “La Devinière” à Seuilly près de Chinon. Ensuite le conférencier nous cite certains grands évènements et personnages qui ont marqué le demi-siècle de Rabelais, les rois, les papes, les artistes. L’époque de Rabelais est celle du début de la réforme, de l’ouvertue du Concile de Trente, du sac de Rome, de l’alliance franco-turque; certains évènements nous étonnent, ainsi en 1543-1544 la flotte ottomane fut autorisée à hiverner à Toulon. Parmi les grands personnages évoqués dominent les souverains, François Ier et Charles-Quint, Henri VIII d’Angleterre (à l’origine de l’Eglise Anglicane), Soliman le Magnifique. D’autres personnages sont cités, comme Erasme, Calvin, que Rabelais détestait. Le portrait complet de Rabelais dressé par le conférencier nous fait voir un esprit universel, médecin aussi bien qu’humaniste et écrivain, doué de nombreuses qualités, parmi lesquelles le don des langues (on nous cite toutes les langues qui auraient été pratiquées par Rabelais). Ne connaissant de Rabelais que Gargantua et Pantagruel, nous sommes surpris d’entendre aussi les noms des personnages qu’il côtoyait, et parmi eux Clément Marot, Guillaume Budé, Jean Du Bellay (frère du poète), Philibert Delorme, Geoffroy d’Estissac, etc... Ce dernier était évêque de l’abbaye bénédictine de Maillezais, en Vendée, où Rabelais fut moine après l’abbaye franciscaine de Fontenay-le-Comte, aussi en Vendée. Rabelais, après ses études de théologie et de médecine visite la plupart des grandes universités françaises, dont Orléans. En 1530 il donne des cours de médecine à Montpellier, puis est il nommé médecin à l’Hôtel-Dieu de Lyon, point de départ de ses voyages à Rome et en Italie, voyages auxquels il avait fortement aspiré. C’est à la suite de Jean Du Bellay, chargé de missions officielles à Rome, que Rabelais fit les deux premiers voyages en Italie relatés dans cette conférence. Après un voyage de 15 jours, Rabelais séjourna à Rome plusieurs mois au début de 1534. Il est déçu que la basilique Saint-Pierre n’ait pas encore sa coupole, et se sent très affecté par la misère du peuple. Il conçoit le projet d’écrire un ouvrage sur la topographie de Rome, mais il est devancé par l’italien Marliano. Sans rancune, Rabelais fera plus tard imprimer à Lyon l’œuvre de Mariani, qu’il enverra à Jean Du Bellay avec une dédicace que nous lit en entier notre conférencier, pour son délice et pour le nôtre. C’est un chef-d’œuvre de courtisanerie qui, à l’écoute, nous a fait penser à l’interprétation d’une pièce de Molière, saluée bien sûr par les rires de toute l’assistance. Durant ce séjour à Rome, Rabelais fréquente l’Accademia della Virtu, et y croise sans doute des personnalités comme Castiglione, Bembo, l’Aretin, l’Arioste. De retour à Lyon Rabelais reprend ses fonctions à l’Hôtel-Dieu dont il sera démis par la suite. Le second voyage à Rome a lieu de novembre 1535 à avril 1536, en compagnie de Jean Du Bellay qui va y recevoir de Paul III le chapeau de cardinal. Une carte nous montre le parcours suivi en Italie, navigation par le Pô, puis sur l’Adriatique, enfin traversée des Apennins empruntant les Etats du Pape. Ce séjour nous est connu par les lettres que Rabelais écrivit à Geoffroy d’Estissac. Il occupe une chambre près du palais où loge Jean Du Bellay. Le conférencier parcourt pour nous ces lettres. Rabelais mène une vie modeste et économe à Rome, il prie D’Estissac de lui envoyer des lettres de change et lui promet de petits cadeaux romains. Une remarque : dans son courrier on rencontre parfois le vocabulaire rabelaisien. Ses centres d’intérêt sont la politique dans les cités italiennes indépendantes, comme Florence ou Ferrare, et pour celle-ci les maladresses des courtisans français à la Cour d’Hercule II. La venue de Charles Quint à Rome, qu’on prépare activement, dans le souvenir encore vif du sac de la ville, attire toute son attention. On prévoit de percer de nouvelles chaussées, d’exproprier, de décorer partout, mais on créée aussi de nouveaux impôts qui frappent tous les romains, jusqu’aux porteurs d’eau. Dans chaque lettre Rabelais se réfère à une dame d’Estissac, qui demeure inconnue; une grande partie nous parle de botanique, Rabelais faisant des découvertes, malgré le choix limité, dans le “jardin secret” du Saint-Père; il démontre sa connaissance étendue de cette science. Nous apprenons ensuite que les “suppliques” de Rabelais au pape Paul III ont été acceptées, et ainsi Rabelais devient prêtre séculier en janvier 1536, avec aurorisation d’exercer la médecine et de recevoir des bénéfices. Plus tard Rabelais est nommé à l’abbaye bénédictine de St Maur des Fossés, près du château de Jean Du Bellay construit par Philibert Delorme. Tandis que Jean Du Bellay quitte Rome fin février en secret, Rabelais n’en part que mi-avril. Il y retournera 4 ans plus tard, et ce voyage, nous dit alors Daniel Labrette, fera l’objet de la seconde partie de sa conférence, à donner dans un an. Cette conférence était supportée par la présentation d’illustrations, surtout des portraits, non seulement de Rabelais et de ses bienfaiteurs, mais aussi des grands personnages évoqués. Ces tableaux, exécutés souvent par des peintres célèbres, nous sont chaque fois commentés, avec la précision du musée qui les abrite. Ce n’est là qu’un exemple de tout le travail de recherche réalisé par Daniel Labrette, et de son souci de nous instruire en même temps que nous divertir. Ce désir bien rempli est salué des vifs applaudissements de l’assemblée, qui regrette à demi de devoir attendre un an pour jouir de la suite. Aux acorfiens qui n’ont pu assister à cette conférence, nous recommandons de l’écouter en ligne, ou mieux encore en téléchargement. Les acorfiens présents pourront renouveler leur plaisir en téléchargeant l’enregistrement complet (voir et entendre).
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