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27 novembre 2012

 

Les villas vénitiennes

par Jean-Marie RIETSCH

 

 

Jean-Marie RietschPour les plus anciens acorfiens, le sujet de la conférence de Jean-Marie Rietsch n'était pas nouveau. C'était le thème du premier voyage, très réussi, de notre Association. Auparavant le regretté Bernard Guillaumot nous avait, en expert, fait connaître Palladio et son art. Venise elle-même nous est souvent présentée des façons les plus variées. On croyait donc tout savoir.

C'était mal compter sur Jean-Marie Rietsch qui nous a fait une présentation neuve et savamment détachée de ce thème toujours attachant, dominant élégamment l'ampleur de ses 150 diapos, ordonnées techniquement par l'indispensable Claude Viviani.

Mais avant la présentation des villas elles-mêmes, qui ne se limitaient pas cette fois aux villas palladiennes, nous avons eu l'histoire de leur création, reçu en passant un morceau d'histoire de Venise et sa lagune, et appris les raisons économiques de leur construction en grand nombre sur la terre ferme.

On a donc su comment s'étaient créées les seigneuries à l'origine des villas, des patriciens du Livre d'Or de Venise au régime féodal des provinces conquises issu de l'Empire romain-germanique. On a appris pour ces dernières leur patiente intégration, de Trévise toute proche aux limites de Brescia et même Bergame, de Padoue et son Université à Vicence la ville de Palladio.


Comme on nous l'explique, cette expansion fut rendue nécessaire, sous l'impulsion de doges éclairés comme Francesco Foscari, lui fournissant ainsi une ceinture de défense, mais aussi dans le but d'assurer la subsistance de la grande ville lacustre. C'est pourquoi nous dit-on Venise organisa la bonification des terres aux dépens des marécages, contrôla leur irrigation, canalisa les voies d'eau, facilitant le transport des marchandises et des personnes, ceci grâce en partie aux ingénieurs bresciani. C'est une raison du grand attachement des provinces pour Venise, tel qu'elles choisirent pour la plupart , contre la Ligue de Cambrai, de rester sous sa domination.

La petite histoire économique de la création des villas vénitiennes est plus fascinante encore, comme elle nous est expliquée. Les patriciens de Venise et leurs émules, enrichis par le commerce hasardeux dont Venise avait acquis le monopole en Méditerranée, virent leur fortune fragilisée par la découverte de l'Amérique et ses conséquences, et aussi par l'expansion de l'Empire Ottoman. Investisseurs dans l'âme, mais aussi amoureux des arts et de la vie mondaine, ils choisirent d'exploiter la terre en y installant leurs demeures.

C'est pourquoi les villas vénitiennes des origines, autant que l'habitation du maître et de ses serviteurs, furent aussi lieu d'entrepôt et base d'exploitation des produits agricoles. Cette remarque revint constamment quand plus tard Jean-Marie Rietsch nous décrivit une à une les villas qu'il avait choisies, par exemple en notant que les bassins étaient avant tout des viviers, en signalant la position des entrepôts, ou rappelant que les jardins étaient avant tout des potagers qui venaient en complément de l'exploitation agricole.

Souvent ces villas, élevées au milieu des domaines féodaux, succédaient à d'anciennes fermes romaines, dirigées en quelque sorte de la même manière. L'esprit d'entreprise des seigneurs de Venise s'appliqua rapidement à de nouvelles cultures ou activités : riz, maïs, ver à soie.


Avant de développer ce raisonnement en nous présentant des vues de villas choisies, Jean-Marie Rietsch apporte quelques autres clés à la compréhension : le maintien des fiefs par Venise, leur indivisibilité entraînant la transmission des biens entiers à la famille (on voit donc beaucoup de villas habitées par deux frères), l'investissement terrien ou dans la pierre provoqué en partie par les pertes qu'entraînaient les placements obligatoires en Bons d'Etat...

Puis c'est la description une à une d'un grand nombre de villas, présentées dans l'ordre de construction suivant trois périodes : avant Palladio, villas palladiennes, après Palladio. Cette présentation historique nous fait voir d'abord des villas presque défensives, puis les villas de Palladio ou inspirées de Palladio, et enfin des villas d'après Palladio, qui ont aussi perdu lea relation agricole de leurs origines.

C'est pour nous l'occasion de se voir présenter des villas que nous connaissons moins, comme les villas "castello" ou château, soit le Palazzo Porto Colleoni à Thiene et la villa Giustiniani Badoer à Roncade, avec leurs tours et leurs murailles crénelées. Ce type de villas fortifiées comporte déjà des caractéristiques soulignées constamment par le conférencier, dont nous retenons la présence commune de l'habitation et des entrepôts, le perron ou "pronaos", les statues du parc, les cours d'eau à proximité, etc...

La villa Trissino in Cricoli permet de présenter cet homme de lettres influent, découvreur et protecteur de Palladio, qui à ses débuts était un simple tailleur de pierres. Sa villa est la première oeuvre à laquelle participa Palladio et déjà porte sa marque, inspirée de l'architecture antique que Palladio avait vue à Rome, pureté, sobriété et équilibre des formes. Ces caractéristiques, le conférencier les souligne abondamment en nous présentant successivement la Villa Garzoni à Pontecasale, nous faisant remarquer entr'autres son puits vénitien, la Villa Piovene à Lonedo di Lugo, et son pronaos décroché, la Villa Pisani à Bagnolo di Lonigo, première œuvre complète de Palladio, la Villa Poiana à Poiana Maggiore, inspirée des thermes romains et d'une grande sobriété extérieure, la Villa Badoer à Fratta Polesine et son escalier monumental, la grande Villa Emo à Fanzolo, avec son perron, son colombier, la célèbre Villa Barbaro à Maser dont on nous montre les fresques de Véronése - la fresque du petit chien attirant de nombreux commentaires, ainsi que les signes du zodiaque.

Autres villas célèbres présentées, la Villa Capra La Rotonda à Vicence, terminée par Scamozzi, le type même de la villa temple, la Villa Foscari à Malcontenta di Mira et ses cheminées caractéristiques, l'imposante Villa Contarini à Piazzola sul Brenta, la Rocca Pisana à Lonigo, de Scamozzi, et la Villa Pisani à Stra qui s'élève le long du canal de la Brenta, et fut propriété de Napoléon.

Les fresques qui décoraient l'intérieur de toutes les villas ne s'inspiraient pas de la religion, mais faisaient souvent référence au propriétaire, ou bien utilisaient des thèmes de l'antiquité, ou restaient symboliques. En rappelant qu'il s'agissait fréquemment de fresques en trompe-l'oeil, Jean-Marie Rietsch nous montra fréquemment l'habileté du peintre dans cet art.

La salle Érasme

Malgré un défilé très rapide des nombreuses vues, attirantes notamment pour les commentaires qui les soulignaient, les acorfiens apprécièrent largement cette conférence qui, tout leur faisant apprécier de réelles beautés, enrichissait leurs connaissances par une approche nouvelle du sujet et une grande science du détail : nous voici devenus des experts en villas vénitiennes pouvait-on penser en remerciant chaleusement le conférencier par de nombreux applaudissements.

 

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