Retour à la page de présentation des conférences de la saison 2010-2011

22 mars 2011

 

Balade sur un phrasé musical

par Henri MASSIEU

 

Henri Massieu n’en est pas à son premier essai et tous les Acorfiens ont en mémoire sa série de vidéos sur la Sardaigne, sa terre d’élection, que certains membres ont eu la chance de connaître en 2004, sans parler de la thébaïde familiale de Cannigione.

Cette dernière production, la sixième, me dit-on, toujours d’une grande maîtrise technique, le public l’a apprécié comme une promenade sans itinéraire fixe, mais orientée autour de quelques thèmes récurrents : la musique (le titre, bien sûr, le laissait entendre) dont le rythme faisait en quelque sorte naître l’image, le paysage, — et en particulier des aspects de la terre sarde, lieux sauvages de la Gallura aux rochers si pittoresques ou jardins des villas de la Costa Smeralda, comme ceux des marinas de Poltu Quatu — la vie quotidienne et sa ruralité, présente dans les fêtes, les danses et les repas, mais aussi une évocation lyrique de tous les éléments naturels, avec des séquences sur les arbres, les plantes, l’eau, la mer, comme autant de rêveries poétiques.

Sans doute le spectateur a pu être quelque peu surpris par l’alternance de scènes variées ou imprévues, comme ce deuxième mouvement dédié à la corrida — il s’agissait d’un extrait du film de Francesco Rosi “Carmen”, tourné dans les arènes de Ronda et accompagné en contrepoint d’une musique d’Albeniz. C’était une manière de nous suggérer l’influence ibérique sur ce peuple irréductible, influence si présente encore dans une ville comme Alghero. Et à la réflexion, on a saisi l’unité de cette balade : elle s’ouvre sur l’antique village d’Aggius, proche de Tempio Pausania, enserré dans ses rochers et se clôt sur cet étonnant autel rupestre de Santo Stefano di Oschiri dont les dessins et figures gravées dans le granit demeurent mystérieux. À mi-parcours nous avons fait une pause à un relais : la fontaine sacrée de Su Tempiesu, précieux vestiges d’un sanctuaire voué au culte de l’eau, datant de trois millénaires et faisant déjà preuve d’une grande maîtrise architecturale. Par une série de belles images, notre guide nous a rappelé que c’est sans doute sur cette très vieille terre qu’on a bâti les premières voûtes : témoins ces étranges nuraghe qui font penser aux tombes mycéniennes et qui continuent à nous interroger, voire à nous fasciner.

Il me paraît difficile de rendre compte de toute la richesse de ces séquences d’une grande qualité esthétique (alors qu’elles auraient pu tourner au reportage didactique) ainsi que de la beauté de l’illustration musicale : je citerai seulement la performance du trompettiste sarde Paolo Fresu. Son “phrasé”a très bien accompagné le style du cinéaste.

 André Lingois, par interim

Compte rendu

©ACORFI