Comme vous le savez, lhistoire de lArchitecture du « théâtre à lItalienne » sest développée entre le début du XVIe et la fin du XVIIIe siècle.
Trois siècles de créations esthétiques et de recherches architecturales, parmi lesquels il a fallu sélectionner les théâtres mayant apparu comme les plus représentatifs, entre les centaines dautres certainement aussi prestigieux.
Avant daborder ce vaste projet, je souhaiterais saisir loccasion de notre rencontre pour répondre à une question qui mest souvent posée :
Cest une question à la fois simple et ambiguë, souvent mal déterminée qui nécessite quelques précisions.
Le véritable « théâtre à lItalienne » ne peut appartenir quau XVIIIe siècle, car il était avant tout un lieu de divertissement, dexpression théâtrale et musicale, un lieu dans lequel les spectateurs se jouaient entre eux la comédie de manière originale et quelque fois libertine pendant que sur la scène, les acteurs jouaient la comédie dans de somptueux décors mués grâce à des équipements scéniques ultra sophistiqués, sans lesquels la magie et lillusion nauraient pas été possibles.
Du XIXe siècle à nos jours encore, nous appelons « théâtre à lItalienne » tout ce qui peut se rapporter à un édifice théâtral conventionnel destiné le plus souvent à lArt dramatique, comme si nous ne voulions pas savoir ce quil fut à lorigine, cest à dire un lieu principalement destiné à lArt lyrique et à la danse, assujetti aux goûts du pouvoir et de la représentation.
LArchitecture, plus quun autre art est sujet de mode, il la subit ou la détermine.
Cest vraisemblablement au XVIIIe siècle que lArchitecture théâtrale et la décoration scénique ont exprimé le mieux les goûts de luxe des classes dominantes, animés par les superflus de fastes et de magnificences.
Pour rester dans une limite dun temps raisonnable, jai volontairement restreint cet exposé à lexamen de larchitecture intérieure des salles en donnant une priorité à celles de lItalie, sans traiter véritablement les caractéristiques des scènes et des décors, sujet dont limportance mériterait à lui seul de longs développements qui nous écarteraient par trop de notre sujet, un sujet qui ma permis, comme disait FLAUBERT de « vérifier mes rêves ».
Pour nous orienter dans ce dédale historique, je me suis efforcé de rétablir un déroulement géochronologique des dates et des faits qui se sont succédés dans le temps. (Le cheminement)
Dès la fin du XVe siècle, la Renaissance hésitait entre limitation des grands modèles de lAntiquité et les profondes transformations sociales et politiques économiques et scientifiques ainsi que religieuses , quannonçaient une ère novelle.
LItalie était prête à accueillir des artistes capables de transcender lart, cest ce que fit Charles dAmboise alors gouverneur Français à Milan, et grand amateur de comédie, lorsquil employa Leonard De VINCI pour effectuer des « Dessins de scène et des travaux darchitecture », que lon a retrouvé dans des fragments du Codex ATLANTICUS, se rapportant à de nombreuses études de Géométrie et de Machineries scèniques, ainsi que les plans dun palais spécialement conçu pour que Charles dAmboise puisse y donner des fêtes, banquets, danses et spectacles divers, et peut-être aussi pour rivaliser aux activités artistiques de la Cour des Gonzagues à Mantoue.
De manière générale, les riches gentilshommes de Milan, prêtaient leurs demeures pour des représentations de comédies et tragédies de CORREGIO et de TACCONE. Léonard de VINCI fut appelé à participer à la représentation de la DANNAE en qualité de décorateur et metteur en scène présentée le dernier jour de janvier 1446.
Franchissant le XVIe siècle, nous venons de constater que les innovations de la Renaissance remplacèrent peu à peu dans tous les domaines, la stagnation du monde médiéval.
Cest dabord et surtout en Italie que sincarna lesprit de la Renaissance, une sorte de réveil de lhomme qui fixait toutes les nouvelles formes artistiques, en particulier celles des innovations dramatiques imaginées par le grand philosophe italien Bruno GIORDANO dans le domaine de la « Comédie et du dialogue », deux nouveaux genres faisant naître des uvres relatant des scènes de la vie en opposition avec les représentations improvisées de la Commedia dellarte.
Inspiré par cette dramaturgie naissante, larchitecte et théoricien Sebastiano SERLIO édifie à Vicence vers 1540, le premier théâtre temporaire, en bois et à ciel ouvert, une expérience particulièrement intéressante ouvrant la voie au théâtre du XVIIe siècle, un édifice conçu en rapport à lart de la perspective préfiguré par son maître Boldassare PERUZZI, célèbre peintre et architecte florentin.
Dans ce théâtre, il ny a aucune séparation nette entre les spectateurs et les acteurs.
Face à un hémicycle réservé aux spectateurs, la scène est composée dune surface plate davant-scène appelée « PROSCENIUM » se prolongeant à larrière, dun plan incliné sur lequel se trouve planté un décor unique en perspective adapté à chaque type de spectacle.
Trois catégories existaient :
Parallèlement à ces nouveaux moyens dexpression, lItalie restera encore très respectueuse pour les sujets littéraires empruntés à la mythologie grecque, ainsi que pour lart antique, en particulier pour larchitecture en sinspirant aussi fidèlement que possible aux théories du célèbre architecte romain Marcus VITRUVE.
Le plus bel exemple que lon puisse retenir est celui du théâtre Olympique de Vicence, conçu par larchitecte Claudi PALLADIO vers 1580.
Cest le premier théâtre permanent aménagé dans les murs dune ancienne forteresse (Planche 6)
Inspiré daprès les ruines et les écrits de VITRUVE.
Ce théâtre entièrement fermé et couvert (Planche 7) se compose :
Cest principalement à FLORENCE, et grâce à la famille des MEDICIS que les modes dexpression scéniques vont entièrement changer.
Dans cette société qui craint le scandale, on aspire à lévasion car rien ne lui fait plus peur que le monde où lon sennuie.
Pour y remédier, cette famille ordonne la construction du Palais des Offices qui sera terminé en 1585, et dans lequel fut aménagé un théâtre par larchitecte Bernardo BUONTALENTI (planche 9) pour y présenter les fêtes princières principalement composées de ballets dans lesquels la musique et la danse se mêlaient à la comédie dramatique.
Dans ce « théâtre de salle » on perçoit déjà toutes les dispositions architectoniques que nous retrouverons dans les siècles postérieurs. Quant aux genres de spectacles présentés, ils sont considérés comme les Premiers Opéras que lon a rapportés dItalie en France à la demande de Charles VIII, Louis XIII et François 1er.
Lopéra naîtra effectivement le 5 décembre 1600, lors des festivités en lhonneur du mariage dHenri IV et de Marie de Medicis, avec la première représentation dans le Palais PITTI, du célèbre EURIDICE de Jacopo PERI.
Le XVIIe siècle naissant, cest principalement à MANTOUE, le 24 février 1607, que lopéra connaîtra son véritable développement et entrera dans lhistoire de la musique, lors de la représentation de lORFEO de Claudio MONTEVERDI, dans une salle de PALAIS DUCAL (planche 10), une ville quil connaît bien pour y avoir passé plus de vingt années en compagnie du Duc quil accompagna dans plusieurs de ces déplacements, tant en Turquie quen Hongrie aussi bien quen Flandres.
Pour rivaliser avec le théâtre Médicis des Offices, fut édifié à PARME en 1618, le théâtre Farnese conçu par larchitecte Giovanni Battista ALEOTTI (planche 11), en lhonneur dune visite que devait faire le Grand Duc de Toscane COSME II de Médicis.
Ce théâtre sinscrit dans un quadrilatère couvert dont la source de sa forme pourrait faire penser à un cirque ou à un théâtre Etrusques, composé de gradins implantés en fer à cheval dégageant un espace libre central sur lequel pouvaient évoluer des athlètes, des jongleurs ou toutes sortes dacteurs appelés HISTRION jouant des farces grossières en saccompagnant de flûte.
Cet espace libre était également réservé au public debout ou assis sur des bancs, quant au cadre de scène particulièrement architecturé (planche 12), il sinspire là aussi des principes énoncés par VITRUVE.
Parallèlement à ces spectacles de divertissements, il sorganisait encore en Italie comme dans toute lEurope, des fêtes de chevalerie ou des joutes artistiques, organisées selon une hiérarchie sociale comme par exemple à BOLOGNE (planche 13) où fut construit un théâtre de tournoi à ciel ouvert en 1628.
Ce type de théâtre simplantait généralement dans le patio dun palais suivant un ordonnancement architectural intérieur extrêmement rigide et compartimenté, que les architectes des XVIIe et XVIIIe siècles ont subtilement transposés pour en faire un « style quasiment universel ».
Inspiré du CIRCUS MAXIMUS de ROME, utilisé par les Etrusques dès la fin du VIe siècle avant J.C., on y retrouve tous les composants architecturaux :
Brillante dès le début du XVIIe siècle, VENISE possédait SEPT théâtres consacrés à lopéra, sans parler de ceux qui donnaient des comédies, alors que PARIS à la même époque, nen possédait que TROIS.
Sous une république oligarchique comme VENISE, lavènement du théâtre public payant, peut être considéré comme une avancée vers la démocratisation.
Touchant toutes les couches de la société, les propriétaires privés les plus fortunés se livrèrent une lutte sans merci pour créer leur propre salle de spectacle, ce que lon a appelé à cette époque la « Guerre des LOGES » instaurant une véritable reconversion providentielle des investissements, du « Navire au théâtre » dans un moment où le commerce maritime déclinait.
Parmi les édifices dopéra vénitien, le Sancassiano fut sans aucun doute, le premier théâtre payant, ouvert au public en 1637, avec lANDROMEDE de Francesco MANELLI.
Cette salle, pour laquelle nous navons pas de document graphique, était daprès les textes, dessinée selon une courbe circulaire tronquée aux trois quarts avec une scène munie dun système de machinerie assez bien perfectionné si lon en juge par le mouvement des châssis de décors coulissants latéralement sur le plancher de scène (planche 14) , une innovation technologique, ouvrant la voie à bien dautres recherches illustrées par larchitecte et théoricien Nicola SABBATINI, qui publia à cette même époque un ouvrage de première importance, intitulé « PRATIQUE » pour fabriquer des scènes et machineries de théâtre, un ouvrage de référence faisant suite aux écrits de Léonard De VINCI et de SERLIO aux XVe et XVIe, énonçant les principes et préceptes fondamentaux de tous les aspects scénographiques pleinement exploités aux XVIIe et XVIIIe et jusquà nos jours.
Dun simple plateau sommairement équipé, il deviendra une véritable machine à transformation du fait de ses nouvelles mensurations (Planche 15)
La superficie de la scène va doubler et sa hauteur tripler, ce qui favorisera la remontée des décors souples dans les cintres à laide de machineries complexes, et de reconvertir les marins en chômage en machinistes pour manuvrer tous les cordages nécessaires aux mouvements des décors, comme ce fut déjà le cas à Rome en 72 après J .C. lorsque les marins furent utilisés pour assurer louverture et la fermeture de limmense velum du COLISEE conçu pour abriter les spectateurs du soleil.
(sur une scène ne dites jamais CORDE mais FIL car la corde porte malheur au théâtre et vous serez amendé si vous prononcez son nom).
Des dessous de scène sont créés sous le plateau pour y loger les décors rigides appelés FERMES.
Tout cet ensemble dénommé cage de scène deviendra pour toujours la référence de la scène dite à lItalienne.
Ces nouveaux rapports de surfaces et de volumes ont littéralement bouleversé les aspects internes des théâtres et permirent à larchitecte et peintre Giacomo TORELLI de passer maître dans lart de peindre sur toile des perspectives décoratives, dont celles des décors pour « Les NOCES de PELEE et de THETIS » de Fransceco CAVALLI, présenté en 1639 au théâtre San Casiano (planche 16 et 17), ainsi que pour BELLEROFONTE de SACRATI, présenté en 1642 au théâtre Novissimo de Venise (planche 18).
Au passage, rappelons que sur lordre de RICHELIEU, TORELLI aménagea en 1639, la salle du PALAIS ROYAL de Paris, conçu par Jacques LEMERCIER (Planche 19) et que cest en machinerie quil apparut comme un véritable créateur, en réalisant entre autres, les admirables décors pour lANDROMEDE de CORNEILLE (planche 20)
Après ce court détour, nous ne pouvons quitter VENISE, sans parler du théâtre San Angelo, édifié sur le Grand Canal, car il fut le fief incontesté dAntonio VIVALDI, un lieu dans lequel une vingtaine de ses opéras furent représentés.
Nous pourrions également parler du théâtre San Moïse dans lequel fut représenté le 5 février 1787, le premier « DON GIOVANNI » de Giuseppe GAZZANIGA ainsi que le théâtre San Samuele, dans lequel Carlo GOLDONI signa lun de ses premiers contrats.
Nous arrivons au XVIIIe siècle , au cours duquel le style Vénitien cest imposé dans le monde musical de lépoque, jusquà créer en Italie un prodigieux développement que lopéra connaîtra dans la période Baroque jusquà la fin de ce siècle.
Considéré comme un Art, lArchitecture Théâtrale dite « à lItalienne » en est devenue un rite social. Quant à lopéra, il constitua un spectacle universel, dit lyrique, pour le peuple et la noblesse unis dans une même passion, souvent fanatique et exaltée.
Transportons nous tout dabord à VERONE, au théâtre Filarmonico, édifié en 1720 par larchitecte Francesco Galli BIBIENA (planche 21). (La dynastie BIBIENA)
Dans sa recherche dun modèle de salle pouvant répondre aux meilleures propriétés dacoustique, cet architecte donne à son théâtre la forme dune cloche renversée dont lavant-scène serait la base, ce quil appelait une « COURBE PHONIQUE ? »
Cest maintenant à Rome, que nous nous rendons au théâtre Argentina, édifié en 1732 par le Marquis Giovanni THEODOLI, architecte et scénographe, pour le compte du Duc Giuseppe SFORZA CESARINI.
La salle de forme elliptique, inspirée de celle de NAPLES, présentait deux particularités :
Pour se venger de ses succès, les ARGENTINI (cest ainsi que lon nommait les fidèles de lArgentina), savisèrent de lâcher dans la salle ennemie, au moment où le ténor commençait laria qui soulevait lenthousiasme, un CHIEN à qui on venait de faire subir un si mauvais traitement quil emplissait le théâtre de ses aboiements.
Ni le ténor, ni lopéra quil chantait ne résistèrent à ces diableries, ce qui obligeait le directeur de lALBERTINI dinterrompre périodiquement ses spectacles et de licencier ses ténors.
Ce nest quaprès de nombreuses années de luttes discourtoises et de tracasseries renouvelées que le théâtre ARGENTINA finit par simposer comme le premier théâtre de ROME, jusquà devenir le théâtre officiel.
Transportons nous ensuite à NAPLES, au théâtre San Carlo, édifié en 1737, par larchitecte Giovanni MEDRANO, inauguré le jour de la Saint Charles, pour Charles de BOURBON, avec une uvre de SARRO (Planche 22), (Planche 23).
Ouvert au public, il a connu des moments tumultueux du fait quil coïncidait avec le développement de lopéra-bouffe , né des intermèdes comiques quil était dusage dintercaler pendant les entractes des spectacles « SERIA ».
Le premier exemple en est les deux actes de la « SERVANTE MAITRESSE », de Jean Baptiste PERGOLESE, donnés dans ce théâtre ; un spectacle ayant eu une influence décisive sur lopéra comique italien tout entier, produit type de lépoque Napolitaine. Les particularités architecturales de ce théâtre, montrent assez précisément limage universelle que nous nous faisons encore aujourdhui dune salle à lItalienne :
Remontons maintenant à TURIN, au théâtre Royal, édifié en 1740, par les architectes CASTELLAMONTE et ALFIERI (planche 25), inauguré le 26 décembre avec lARSACE de Francesco FEO, dans une scénographie (planche 26) typiquement baroque de Galli BIBIENA, un décor luxueusement architecturé, de telle façon quil donne lillusion dêtre en continuité avec la décoration de la salle, une volonté dunité de lieu pour lépoque.
Dans son Encyclopédie, DIDEROT décrit ce théâtre avec admiration, car en plus de sa forme elliptique, les architectes ont développé toute une panoplie de moyens acoustiques :
Sinspirant du théâtre FILARMONICO de Vérone, BIBIENA donne à sa salle, une forme de lyre, sorte de « COURBE PHONIQUE » (Planche 27).
Faute dargent, il sengagea dans une recherche plus fonctionnelle des espaces, en taillant à léconomie les structures décoratives de la salle.
Sous les décors fastueux du baroque (Planche 28) les loges à arcatures regroupées par des colonnes, semblent redonner un goût pour lantique, accentué par la privatisation des loges due aux balustrades individuelles.
Cette nouvelle conception donne à la salle, un aspect dynamique, mais peut-être plus austère dans lornementation.
Comme il le fait pour cette salle, larchitecte BIBIENA avait déjà utilisé cette forme de cloche non seulement à Vérone, mais également pour le théâtre Communal de Sienne en 1753, (Planche 29), ainsi que pour le théâtre SCIENTIFICO de MANTOUE (Planche 30).
Noter également que cest dans cette ville de BOLOGNE, que MOZART a reçu le Diplôme de lAcadémie Philharmonique, lors de sa visite en 1770. Arrivés à MILAN, visitons rapidement le théâtre de la Scala, édifié en 1778, par larchitecte Giuseppe PIERMARINI, pour lImpératrice Marie-Thérèse. Il est inauguré le 3 août 1778 avec « LEUROPE RECONNUE » de SALIERI.
La SCALA, est principalement une légende plutôt quun chef duvre architectural. Il doit cette légende peut-être plus à la qualité des artistes qui lon servi, quà son architecture, car il na rien fait dautre que de porter à une dimension colossale le meilleur de lépoque.
La salle en forme de fer à cheval (Planche 31) , apparaît comme une énorme ruche de 260 loges pour 2800 spectateurs, un ensemble surdimensionné dune esthétique archaïque néoclassique, embrasé par le feu en 1943. Il est aussitôt restauré en pleine guerre et réouvert en 1946.
Rien na changé de latmosphère dautrefois : quand les lumières baissent, cest toujours le même coucher de soleil or et rouge qui sinstalle.
Pour clore lHistoire de lévolution architecturale des théâtres parsemés dans toute lItalie, je pense que VENISE simpose avec la visite de La Fenice, lieu phare du XVIIIe siècle.
Renaissant des cendres du théâtre SAN BENEDETTO et après un concours international restreint, cest larchitecte Antonio SELVA qui emporte la décision du jury.
LA FENICE, bâtie en VINGT SEPT mois, est inaugurée le 16 MAI 1792, avec un Opéra de PAISEILLO.
Cest le premier bâtiment néoclassique de Venise. Il na cessé de subir de nombreux évènements après son premier incendie en 1836. Reconstruit à lidentique selon les plans de SELVA, le théâtre sera de nouveau inauguré le 26 décembre 1837, avec un Opéra de LILLO. La salle, de forme traditionnelle en fer à cheval, est exclusivement construite en bois, comme la plupart des théâtres d'opéra de cette époque, sans préjuger de la voie difficile que larchitecte prenait face à la proie des flammes.
Dinspiration Baroque, (Planche 32) (Planche 33), au décor mordoré, la salle est mise en valeur par la profusion des sources lumineuses réparties dans lespace (des bougies à cette époque).
Les loges, richement décorées (Planche 34), participent à la somptuosité du lieu, un lieu prestigieux illustrant avec perfection toutes les qualités dun « théâtre à lItalienne ».
Comme malheureusement beaucoup de théâtres de cette époque, il fut encore complètement détruit par un incendie en 1996, puis devrait être reconstruit à lidentique comme un geste de mémoire dune époque indubitablement révolue.
En attendant cette renaissance, je souhaiterais rendre un hommage particulier à Joffredo PETRASSI, patriarche de la musique Italienne décédé le 2 mars 2003, à lâge de 98 ans. Il fut le Directeur de cet illustre théâtre de 1937 à 1940 et obtiendra la chaire de composition dans ce même établissement quil occupa pendant vingt ans.
Comme nous pûmes le constater, les aspirations technologiques et esthétiques des théâtres italiens dépoques « Renaissance et Baroque » furent si fortes quelles se sont propagées dans toute lEurope.
Face à cette prolifération créatrice, il serait peut-être injuste de ne pas présenter un minimum de quelques uns de ces théâtres à lItalienne implantés hors dItalie , ayant marqué la fin du XVIIIe siècle.
Je pense dabord à lAllemagne, haut lieu de larchitecture théâtrale et de la création musicale, en premier avec le théâtre opéra de Bayreuth, édifié en 1748, par les architectes Joseph Saint-Pierre « un Français » et Giuseppe BIBIENA, au temps de la Margravine WILHELMINE, sur de FREDERIC II, maillon dune chaîne de théâtres dont cette famille dartistes encerclait lEurope (Planche 35) (Planche 36).
Somptueux théâtre de style ROCOCO, dune incommensurable richesse dinvention et de savoir faire. Une ornementation traitée dans les « Bleus et Or », magnifiquement mise en valeur par la lumière des chandelles, telle une image scintillante et de rêve.
En second, le théâtre de la Résidence de MUNICH, édifié en 1753, par larchitecte François de CUVILLIES dans le style ROCOCO plus gai que celui de Bayreuth (Planche 37).
La salle, composée de quatre rangées de loges dominées par le baldaquin de la loge de cour, se trouve enrichie par le fait de riches bois sculptés entourés de Caryatides.
Lambiance générale de cette salle, faite de couleurs « Blanche, Or et Pourpre », compose un exubérant écrin dédié à la musique, dans lequel fut présenté le 13 janvier 1775 « LA FINTA GIARDINIERA » de MOZART ainsi que son « IDOMENEE » le 29 janvier 1781.
Je pense ensuite à la FRANCE très liée à lItalie avec le Grand théâtre de LYON, édifié entre 1754 et 1756, par larchitecte du Roi, Germain SOUFFLOT, inauguré le 30 avril 1756, maintenant disparu.
Si ce théâtre est resté légendaire, ce nest pas uniquement par ses innovations, mais dabord par la forme de sa salle, un ovale tronqué inspiré de la salle dite « en cloche » de BIBIENA, créée en 1720 pour le théâtre FILARMONICO de VERONE.
Côté confort visuel des spectateurs, SOUFFLOT changea délibérément la volumétrie de la salle par le décalage des différents niveaux des loges en encorbellement sévasant vers le haut (Planche 38), une disposition mettant fin à la ségrégation des spectateurs et du même coup la suppression du caractère « cages à poules » typique des salles à lItalienne.
Nous pourrions également parler :
Pour simplifier, je névoquerai brièvement que lOpéra Louis XV de Versailles, édifié en 1770, par larchitecte Jacques-Ange GABRIEL, inauguré à loccasion du mariage du dauphin et de lArchiduchesse MARIE-ANTOINETTE (Planche 39).
Sécartant avec une souveraine liberté des théâtres déjà presque néo-classiques dItalie, cet opéra royale conçu sur un plan elliptique, exprime le caractère le plus marquant de la richesse des matériaux employés tout en gardant un goût de la mesure et de lélégance.
Nous retrouvons entre autre dans cette salle quelques dispositions bien spécifiques du répertoire classique :
Larchitecture de la salle puise également aux sources de lAntiquité, en y apportant un déploiement de pompe et de magnificence extrême inondée dor, un faste de caractère signé SOLAIRE et ROYAL, voire DIVIN.
Pour terminer ce long voyage, je ne peux mempêcher de vous parler succinctement du Grand théâtre de BORDEAUX, édifié entre 1774 et 1778, par larchitecte Victor LOUIS, sous limpulsion du Maréchal Duc de RICHELIEU, protecteur des comédiens, inauguré le 7 avril 1780 , avec « ATHALIE » de RACINE.
Héritier des théâtres italiens des XVII et XVIIIe siècles, il est considéré comme le type accompli des théâtres Français du XVIIIe siècle (Planche 42), tant par la disposition architecturale de la salle que par lharmonie et lélégance de son vestibule et de son célèbre escalier qui inspira beaucoup dautres architectes dont Charles GARNIER pour la construction de lOpéra de Paris.
Par son austérité, la salle de style Louis XVI est un retour à lart antique semblable à la salle du théâtre Communal de Bologne en 1761, se composant à partir dune forme circulaire se raccordant latéralement à la baie de scène, ce qui nest peut-être pas sans raison, car Victor LOUIS était particulièrement attaché aux symboles, dont le cercle représentait pour lui le temps - léternel recommencement la perfection et lhomogénéité.
Lordonnance intérieure de la salle est composée dun ensemble de colonnes canelées, entre lesquelles sinscrivent aux 2ème et 3ème niveaux, une série de balcons saillants, ceinturés de balustrades (Planche 43). Cette disposition avait pour but de contraster avec la rigueur géométrique des salles à lItalienne qui engendrait une certaine monotonie architecturale.
Quant au cadre de scène, la disposition générale reprend le principe de TORELLI, avec un portique liant la salle au décor de scène, incluant une superposition de loges implantées en biais, comme déjà en perspective (Planche 44) complété dun rideau peint escamotable, reproduisant là aussi une perspective architecturée en trompe lil, sharmonisant avec le décor de la salle, lensemble composé dune dominante de faux marbre blanc veiné, rehaussée dor sur tous les reliefs ornementaux et de BLEU nattier pour toutes les tapisseries et tentures, ce qui rappelle le symbolisme du supra-terrestre et la couleur de la famille Royale.
La cage de scène, de volumétrie traditionnelle pour un théâtre lyrique, renfermait des équipements performants pour lépoque, conçus par le talentueux machiniste Charles NIQUET.
Après DEUX CENT DIX ans de service, luvre de Victor LOUIS, nécessitait un besoin urgent de restauration pour satisfaire aux besoins actuels.
En 1990, une campagne de travaux de remise en état fut programmée et confiée à larchitecte en chef des Monuments historiques Bernard FONQUERNIE, avec qui jai eu le privilège dêtre associé en qualité darchitecte-scénographe, pour la rénovation complète de la cage de scène (Planche 45), un travail dexploration technologique particulièrement ardu, qui ma permis de pénétrer dans la secrète intimité de ces anciens magiciens de lillusion et du travail des machinistes et autres techniciens de scène.
La réouverture du théâtre eu lieu le 24 janvier 1992 avec la « FLUTE ENCHANTEE » de MOZART (Planche 46).
Il ne me reste plus quà vous remercier de votre chaleureuse attention, et de mexcuser davoir été un peu long.