Année 2002-2003 : 29 avril 2003
Ugo Foscolo,
par Guy Dandurand
Au début dun exposé agréablement présenté en causerie, Yves Dandurand, pour évoquer Ugo Foscolo, nous relate un séjour prolongé quil fit à Urbino, ville natale de Foscolo; titulaire dune bourse, il en fréquenta luniversité, tandis que son recteur était Carlo Bo. Il rappelle quUrbino est aussi la ville natale de Raphaël.
Brève biographie dUgo Foscolo (1778-1827)
Né dans lîle de Zante, aujourdhui grecque (sud de Céphalonie, latitude dOlympie). Zante était alors possession de Venise. Le père de Foscolo, médecin, mourut jeune, et la mère, bien que grecque, se transféra à Venise.en 1793 avec sa famille de ses six enfants.
Quoique très pauvre, Foscolo put y continuer ses études et senthousiasma pour les nouvelles idées de liberté venues de France. Mais le régime absolutiste et le caractère fermé de la société vénitienne le contraignirent à se retirer dans la région de Padoue. Après lentrée des troupes de Bonaparte.en Italie il sengagea dans leur armée pour laquelle il combattit vaillamment.
Le traité de Campo-Formio (1798), par lequel Bonaparte laissait Venise à lAutriche lui parut une trahison, et son empressement en faveur de la France commença à vaciller.
En garnison en France, il rencontra une jeune anglaise à Valenciennes ; celle-ci lui donna une fille, quil oublia longtemps et ne devait retrouver quà la fin de sa vie.
Ses uvres rencontrèrent beaucoup de succès, mais il était dispendieux et comme il ne bénéficiait pas dune fortune personnelle, il dut fréquemment rechercher dautres ressources que sa plume. Pour vivre, il fut quelque temps professeur de rhétorique à luniversité de Pavie.
En désaccord.avec lenvahisseur français, il prit quand même sa part dans la défense contre les monarchistes autrichiens.
Mais en 1814 il choisit de sexiler et gagna lAngleterre où il vécut plutôt chichement. La rencontre inattendue de sa fille, riche héritière, le sauva un moment, tout en lui apportant une vive affection.
Il mourut pauvrement à Londres. En 1871 ses cendres furent transférées à Florence, dans l'église Santa Croce où se trouvaient déjà celles de Michelangelo, Galilée, et aussi celles de son ami Alfieri.
Ses amis et les auteurs de son époque.
- Alfieri (1749-1803), noble militaire piémontais, qui linspira en partie; auteur entre autres de tragédies, dont on retient principalement la Vita , une autobiographie.
- Giuseppe Parini (1729-1799), bien que beaucoup plus âgé que Foscolo, était très lié avec lui. Ses oeuvres en font un des précurseurs des idées avancées du Risorgimento.
- Silvio Pellico (1789-1854), dont Foscolo partageait les idées, et quil rencontra à Zurich lors de son départ pour lexil
- Leopardi (1798-1837), qui toutefois na pas rencontré Foscolo.
Les rapports de Foscolo et de ses contemporains avec la France.
- Sur le plan politique, les français furent dabord accueillis en libérateurs, mais bientôt leur attitude dédaigneuse fit voir en eux des envahisseurs, et lhostilité des écrivains italiens se manifesta à maintes reprises.
- Sur le plan littéraire, on rencontre une situation qui paraît surprenante aux français, encore maintenant : Bien que connaissant la langue et la littérature française, ces écrivains, particulièrement Alfieri et Foscolo, manifestent une certaine gallophobie. Ignorant le classicisme français, ils se tournent plutôt vers la littérature du Nord, anglaise ou germanique.
De Foscolo on peut dire quil est le plus grand représentant du romantisme des lumières. Citons quelques-unes de ses oeuvres.
- Le ultime lettere de Jacopo Ortis, dont il exista 3 versions, écrites en 1798, en 1802, et en 1816. A la suite de critiques, Foscolo dut joindre à cette dernière version une note explicative de 50 pages ! La meilleure traduction de Jacopo est celle de Valeria Tasca.
Il sagit dun roman épistolaire, inspiré, dans la forme, par le Werther de Goethe (que Foscolo avait lu en français) mais largement autobiographique. On pense même que Foscolo, qui écrivait beaucoup de lettres, a repris parfois le texte de ces dernières.
Le roman traite le thème éternel de lamour malheureux, mais qui en la circonstance se lie à celui des convictions politiques trahies.
La mort finale par suicide de Jacopo fait penser au suicide dun ami de Foscolo qui portait ce nom.
On considère généralement ce roman comme le premier roman véritablement italien, avant que ne paraissent en 1825 I Promessi Sposi de Manzoni.
- Dei Sepolcri, un long et vibrant poème à la mémoire des hommes célèbres enterrés à Santa Croce, dont Parini, que Foscolo écrivit à la suite dune ordonnance française de 1804 qui réglementait les pratiques funéraires.
- Grazie, un poème peut-être moins réussi, inspiré par l'uvre du sculpteur Canova.
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il écrivit aussi de nombreuses critiques et traductions, ainsi que de merveilleux sonnets.
Pour terminer, Guy Dandurand donne lecture dextraits de Dei Sepolcri et du sonnet A Zacinto, en italien et dans la traduction française quil a faite.
a Ippofito Pindemonte
All'ombra de' cipressi e dentro l'urne
Confortate di pianti è forse il sonno
Della morte men duro? Ove più il sole
per me alla terra non fecondi questa
Bella d'erbe famiglia e d'animali,
E quando vaghe di lusinghe innanzi
A me non danzeran l'ore future,
Né da te, dolce amico, udro più il verso
E la mesta armonia che Io governa,
Né più nel cor mi parlerà Io spirto
Delle vergini Muse e dell'amore, Unico spirto a mia vita raminga,
Qual sia ristoro a' di perduti un sasso
Che distingua le mie dalle infinite
ossa che in terra e in mar semina morte?
Vero è ben, Pindemonte! Anche la Speme,
unica Dea, fugue i sepolcri; e involve
Tutte cose l'obblio nella sua notte.
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À l'ombre des cyprès et dans les urnes que viennent réconforter des pleurs, peut-être le sommeil de la mort est-il moins dur ?
Quand le soleil ne fécondera plus pour moi la terre de la belle abondance des plantes et des animaux et que les heures futures aux rêveuses promesses ne viendront plus danser devant moi
que de toi-même, doux ami, je n'entendrai plus les poèmes et la douce harmonie qui les conduit,
que les Muses virginales et l'Amour ne viendront plus parler à mon cur, seul parole à ma vie errante, de quelle compensations aux jours perdus me sera un caillou qui viendra distinguer ma dépouille de toutes celles que la mort sème sur terre et sur mer ?
Ce n'est que trop vrai, Pindemonte ! Même l'Espérance, Déesse du dernier recours, s'écarte des tombeaux ; et l'Oubli enveloppe toute chose dans sa propre nuit. |
A Zacinto
Né più mai tocchero le sacre sponde
Ove il moi corpo fanciuletto giacque
Zacinto mia, che te specchi nell'onde
Del greco mar da cui vergine nacque
Venere, e fea quell'isole feconde
Col suo primo sorriso, onde non tacque
Le tue limpide nubi e le tue fronde
L'inclito verso di colui che l'acque
Cantò fatali, ed il diverso esiglio
Per cui bello di fama e di sventura
Baciò la sua petrosa Itaca Ulisse.
Tu non altro che il canto avrai del figlio,
0 materna mia terra : a noi prescrisse
Il fato illacrimata sepoltura.
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à Zante (1)
Jamais plus, ô Zante mon île qui garde le souvenir de ma toute petite enfance, je n 'aborderai à ton rivage sacré, toi qui te mires dans l'onde grecque d'ou Venus naquit vierge mais de son premier sourireféconda ces îles
Toi dont les vers fameux de celui clin chanta la fatalité des flots et l'incessant exil aussi glorieux qu'aventureux dont revint Ulysse pour embrasser sa pierreuse Ithaque ne voulurent taire ni la clarté de tes ciels ni tes frondaisons
De ton fils tu ne recevras rien d'autre que son chant, ô nia terre maternelle! car il est de ceux auxquels le destin prescrit une tombe sans le réconfort de larmes.
(1) Cf. (correspondance) "la chiara e selvosa Zacinto, risuonante ancora del versi con che Ornero e Teocrito la celebravano"
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Assistance très attentive, heureuse des découvertes offertes par cette causerie, et charmée.
Pour approfondir :
- Sur Liber Liber, une biographie d'Ugo Foscolo et son uvre en téléchargement