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Retour à la page de présentation des conférences de la saison 2018-2019 5 février 2019
Rencontre de deux architectes de la Renaissance : Jacques Androuet et Sebastiano Serliopar Daniel LABRETTE
Quand un architecte rencontre un autre architecte, qu’est-ce qu’ils se disent ?
La vie de ces deux-là est pleine de zones d’ombres. De Serlio, on sait qu’il a vécu de 1475 à 1554. Pour Androuet, on ne peut que rester dans le flou. Selon les sources, il serait né entre 1510 et 1520, et serait mort entre 1585 et 1592. Une certitude, le premier ne peut être que l’ancien, le maître, le modèle du second. Où se rencontrent-ils ? À Fontainebleau : Serlio s’y trouve depuis la fin 1541, attiré là par François Ier. Sa réputation n’est pourtant pas des meilleures ; ses contemporains italiens ne lui vouent pas grande admiration. Cellini le traite de plagiaire ; Vasari l’ignore. Son traité d’architecture le place cependant, après Vitruve et Leon Battista Alberti, au centre du cercle restreint des grands spécialistes de cet art. Androuet l’y rejoindra un peu plus tard. Tous deux se côtoieront jusqu’en 1546, date à laquelle Androuet viendra s’installer à Orléans. Peu d’indications sur sa vie d’avant ; si ce n’est que ses qualités de dessinateur, de graveur, sont déjà reconnues. Son séjour, jusqu’en 1551, dans notre ville, est marqué par l’édification de l’Hôtel Groslot, achevé en 1552, dont il a dessiné les plans. C’est là une de ses rares réalisations, « en vrai », car, comme Serlio, il est ce qu’il est convenu d’appeler un « artiste de papier ». Neuf ans d’obscurité ensuite ; c’est la durée de son séjour à Paris. Puis il arrive à Montargis, auprès de Renée de France, chassée de Ferrare par son fils. C’est là qu’il va parachever son œuvre maîtresse : Les plus excellents bâtiments de France, malgré les premières atteintes de la vieillesse, malgré les difficultés à se déplacer, dues aux guerres de religion. A-t-il tué le père, Serlio ? En un sens, oui. Lorsque, dans la dédicace de son livre d’architecture de 1559, adressée à Henri II, il conclut en ces termes : « Et davantage, votre majesté, prenant plaisir et délectation, mesmes à l’entretenement de si excellents ouvriers de vostre nation, il ne sera plus besoing avoir recours aux estrangiers ». Même si Serlio est déjà mort, c’est une forme d’aveu. L’italien s’est d’ailleurs plaint, en ses derniers jours, de ce que l’on n’ait point eu plus recours à ses lumières . L’évolution d’Androuet n’en est pas moins influencée par le dialogue direct avec Serlio. Sabine Frommel, directrice d’études à l’École pratique des Hautes Études, dans l’un de ses articles écrits en 2010 à l’occasion de l’exposition-rétrospective de l’œuvre d’Androuet, au palais de Chaillot, termine ainsi son propos : « Il n’aurait pu développer toutes ses possibilités créatrices si le dialogue entre la France et l‘Italie n’avait créé un terrain cosmopolite, propice aux innovations. Et il aurait été, sans nul doute moins innovant, efficace et prolifique si Serlio, un artiste doté d’un stupéfiant talent de médiateur, n’avait stimulé son imagination de manière si intense et si durable ». Mardi 5 février 2019, Daniel Labrette, notre conférencier nous a offert une belle soirée, érudite, autant qu’esthétique sur le mode opératoire qui lui est particulier. Ce fut un plaisir de voir défiler les réalisations de ces deux « artistes de papier ». Le talent d’Androuet du Cerceau brille encore dans notre bonne ville d’Orléans, car il fut le bâtisseur de l’Hôtel Groslot.
Vous pouvez écouter (et voir) la conférence en suivant les liens ci-dessous.
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