Retour à la page de présentation des conférences de la saison 2010-2011 23 novembre 2010
Les volcans italiens, Mythe et réalitépar Claude ALSAC
Notre conférencier de ce soir est géologue et l’on pouvait s’attendre à un exposé très technique, voire hermétique pour beaucoup d’entre nous. Tel n’est pas le choix qu’il a fait. Les anecdotes et les aspects ludiques n’ont pas manqué, renforcés par sa présentation finale des peintures sur le Vésuve. Car parmi tous les volcans évoqués, c’est surtout du Vésuve qu’il fut question. Car c’est bien sur ses pentes qu’est née la volcanologie avec le premier observatoire en 1841 après les premières études volcanologiques que l’on doit à Lord Hamilton, ambassadeur à Naples. Une brève allusion à l’histoire générale nous montre Lady Hamilton qui fut l’amante de Nelson. Et si les croquis quasi scientifiques imposés par Lord Hamilton à son dessinateur, l’anglais Peter Fabris ont sur le plan artistique contribué à la popularité de la peinture des volcans, Claude Alsac ne manque pas de nous faire remarquer les couches géologiques successives mises en valeur dans ses tableaux. L’évocation des mythes forgés autour des volcans depuis l’antiquité, en commençant par la mythologie, est complète, opposant les faibles connaissances scientifiques du passé aux croyances erronées qui associaient les volcans aux mauvais présages, aux démons, au châtiment divin. Nous avons été surpris de constater que, malgré les désastres provoqués à intervalles il est vrai parfois éloignés, on n’avait pas jusqu’à la découverte de l’Amérique de mot précis pour désigner les volcans. On attribuait leur origine à des vents souterrains, on croyait comme Pietro Bembo, qui avait escaladé l’Etna, à des creux provoqués par la mer et à l’embrasement du soufre contenu. Pourtant les éruptions avaient douloureusement atteint les populations. Déjà dans l’antiquité, avec une image saisissante de fuite, rendue par des empreintes de pieds dans la cendre, ensuite des édits opportunément cités par Claude Alsac nous restituent en partie l’ambiance d’après désastre : en 507 une réponse à la demande d’exemption d’impôt, qui reprochait aux demandeurs d’avoir négligé les signes avant-coureurs. En 1631 le vice-roi espagnol de Naples dit la même chose sur des plaques de marbre dont l’une se trouve encore dans la rue. Son discours, dont Claude Alsac nous lit une traduction faite pour nous par Marie Ragot, est bien représentatif des sentiments de l’époque. Ne négligeant pas l’aspect technique qu’il sait rendre abordable, Claude Alsac nous rappelle la relation faite par Pline l’Ancien de l’éruption de Pompeï en l’an 79, d’une précision telle que pour les volcanologues elle signifie un tournant dans la manière dont on considérait les éruptions, mise en évidence par la configuration du Vésuve lui-même avant et après l’éruption, comme on nous le fait voir. Plus tard on eut l’opposition chez les volcanologues entre ceux qu’on a appelés les neptunistes et les plutonistes, opposition qui prit fin avec les découvertes de Lord Hamilton. En passant une anecdote, mais qui ne manque pas de valeur scientifique : l’îlot volcanique de Ferdinandea (son nom espagnol) qui s’était formée brusquement au milieu de l’archipel des Lipari en 1831, revendiquée par les anglais et les français avant de disparaître à nouveau. De même en 1538, cette fois au milieu des Champs Phlégréens, apparition d’un colline volcanique de 140 mètres, destinée à s’aplatir elle aussi. Parmi les autres graves éruptions du Vésuve, celle de 1631 fit au moins 4 000 morts (certains disent 10 000). La dernière éruption importante qui survint est celle de 1944 (sous l’occupation américaine), qui compta 24 décès. Aujourd’hui la proximité du Vésuve avec des zones de population très dense oblige à prévoir des plans d’évacuation importants, prévoyant des zones plus ou moins en danger :
À signaler toutefois que des signes avant-coureurs ne manqueront pas de se manifester. Remarquons également que la ville de Naples elle-même n’est pas directement concernée. Après cet exposé volcanologique, Claude Alsac nous a présenté une digression fort instructive sur la géothermie, dont il explique le phénomène. C’est à Larderello, en Toscane, que se trouve l’usine de production d’électricité. Créée avant la Grande Guerre par le Vicomte français de Larderel, elle atteint maintenant 10 % de l’électricité produite sous cette forme dans le monde. Et enfin la peinture des volcans, dont la mode a commencé avec ce qu’on a appelé le « Grand Tour », personnifié par une image de Goethe. Pour les français il faut d’abord signaler l’abbé de Saint-Non et son « voyage pittoresque à Naples » images de son voyage de 1759 quand il y rencontra Fragonard et Hubert Robert. Claude Alsac nous montre ensuite des œuvres de Nicolas Poussin, de Claude Gellée, d’Horace Vernet. Il cite en particulier le genre dit des «vedutistes», et parmi ceux-ci le peintre italien Antonio Joli qui a souvent peint le Vésuve. D’autres encore, le hollandais Van Wittel, le français Pierre-Jacques Volaire, et après l’école de Posilippo, le moderniste De Nitis. Nous avons aussi beaucoup aimé la présentation inattendue des gouaches napolitaines, tableaux de petite taille avec un fin encadrement noir. Comme le fait bien remarquer le conférencier, elles jouaient habilement, parfois avec excès, des contrastes, des effets nocturnes, ou des reflets de l’eau. Les plus demandées portaient la date de l’éruption, mais on pouvait parfois en deviner la date selon l’armature des bateaux ou même le panache du volcan. Fréquemment copiées elles donnaient lieu à des vocations familiales et figuraient parfois des scènes de vie napolitaine. L’avénement de la photographie marqua la fin des gouaches napolitaines. La première photographie du Vésuve date de 1872; elle est l’œuvre de l’italien Sommer, qui en fit beaucoup, et vendit aussi de nombreuses reproductions. À la fin Claude Alsac nous présente un autre tableau méconnu du Vésuve, qui se trouve au Musée d’Orléans, et dont le peintre n’est autre que Léon Cogniet. Enchantés de cette présentation géologique et historique, des incursions réalisées dans le domaine artistique, également mieux instruits, les acorfiens applaudissent chaudement le conférencier. |