Année 2008-2009 : 19 mai 2009 Année 2008-2009 : 19 mai 2009Au berceau du livre, quel joli titre pour désigner la naissance de l’imprimerie !
Philippe Colmet-Daâge s’excuse d’emblée : c’est la naissance du livre que va décrire son exposé, et les italiens n’y ont guère pris part. Plus tard seulement l’on assiste à la participation italienne. (celle-ci pourrait nous être racontée dans un futur exposé, du moins nous l’espérons).
À moins que l’Italie n’ait joué un rôle dans la diffusion de la découverte de Gutenberg ? En effet c’est l’Évêque de Sienne, ambassadeur du Pape auprès de l’Empereur Maximilien qui, le 12 mars 1454, découvre à Francfort (ce devaient être les premières Foires du Livre) des cahiers de la première Bible imprimée, et s’empresse de la faire connaître. Cet évêque n’est autre que Piccolomini, futur pape Pie II, et la Bible était la B42, de 1200 pages en deux volumes, de 42 lignes sur deux colonnes. Les bibles B42 qui furent imprimées étaient 180, il en resterait 48 dans le monde, dont 5 en France, la seule visible pour le public se trouvant dans un musée de Suisse près de Genève.
Cependant la découverte de l’imprimerie par le mayençais Gutenberg, et son développement en Europe à partir de l’Allemagne, ont une telle importance, et nous sont si bien contés, que l’absence italienne ne gâchera pas notre plaisir.
La période considérée par Philippe Colmet-Daâge va de 1454, naissance de l’imprimerie, à 1500 quand elle atteint l’âge adulte.
On apprend que Gutenberg, né en 1397, était issu d’une famille patricienne, et qu’il fit ses études à Erfurt. L’incertitude règne sur lui jusqu’à son séjour à Strasbourg de 1428 à 1444, où son implication dans plusieurs procès dûment actés nous permet d’être renseignés. Le premier concerne une dette de la ville de Mayence, sans la responsabilité de Gutenberg, le deuxième une promesse de mariage non respectée, le troisième une succession dans la société créée par Gutenberg avec des partenaires de petite bourgeoisie. Gutenberg était le génie créateur de cette société à l’activité mal connue (orfèvrerie ?), mais sans doute déjà voisine du livre. De retour à Mayence en 1448 Gutenberg continue cette activité, soutenu cette fois par un partenaire aisé, Johann Fuss.
C’est l’occasion pour Philippe Colmet-Daâge d’un exposé sur les techniques en vigueur à l’époque, avec le choix du papier, la xylographie (bois sculpté pour l’impression), la fabrication de miroirs sertis dans les reliures, et celle des cartes à jouer.
De là on serait venu à l’utilisation pour les caractères d’alliages de métaux au lieu du bois, dans une composition elle-même objet de longues recherches et expériences.
Il fallait aussi, dans la foulée de ce qui se faisait avec les manuscrits, fabriquer un nombre énorme de caractères, répondant aux diverses présentations des lettres elles-mêmes, et enfin, après l’impression feuille à feuille du papier mouillé, le laisser sécher durant 24 heures.
La production des premières imprimeries était très variée, mais surtout religieuse. Outre la Bible on cite les psaumes et surtout les indulgences qui entraînaient des impressions en grande quantité. Parmi les ouvrages profanes, on trouve les livres scolaires, et même un calendrier des purges et des saignées,
Le prix de vente élevé des Bibles aurait dû rendre l’entreprise florissante, néanmoins l’associé principal, Fuss, entra en conflit avec Gutenberg en raison du mauvais rendement financier de l’entreprise qui occupait, pense-t-on, 25 personnes, et fit faillite.
Le fils adoptif de Fuss, Schöffer, qui fut l’un des ouvriers de Gutenberg, connut lui aussi un grand avenir. Du reste, il semble que tous les principaux ouvriers de Gutenberg, et sans doute leurs proches ou apprentis, aient porté leurs techniques dans toute l’Europe, puisqu’en peu de temps on voit naître, attirés par les évêques, des ateliers d’imprimerie dans différentes grandes villes : Cologne, Mayence, Strasbourg, Bâle, Bamberg, Nuremberg, Augsbourg pour l’Allemagne ou la langue allemande, Florence, Subiaco, Rome et Venise pour l’Italie, Paris, Londres, les centres flamands ou néerlandais pour le reste de l’Europe. Deux cartes nous montrent la progression de cet essaimage, avec pour la deuxième une implantation devenue généralisée.
Tout en expliquant notre conférencier parsème son exposé de remarques judicieuses ou plaisantes, telles le mammo-tractus, nom donné à un dictionnaires de termes bibliques paru en Suisse.
Il développe spécialement l’histoire de l’impression en Italie, encore à ses débuts. Notre susceptibilité pro-italienne est un peu mise à l’épreuve en constatant que là aussi ce sont les ouvriers allemands, devenus experts, qui furent les précurseurs. A Subiaco où vinrent s’installer Sweynheym et Pannartz il existait un terrain fertile avec la présence d’un monastère bénédictin. Dès 1465 on y imprime Cicéron.
S’étant transférés à Rome, ils y lancent une imprimerie, qui continua d’imprimer des textes latins. Ils étaient soutenus par les fortes personnalités de Giovanni Andrea Bussi, aussi Evêque d’Aleria, devenu éditeur, et l’allemand Nicola di Cusa. La faillite de l’atelier en 1472 coïncide avec la nouvelle suprématie de Venise.
Dans cette ville un français joua un rôle essentiel, Nicolas Jenson. Il fut d’abord le protagoniste d’un des premiers actes d’espionnage industriel connus. Charles VIII l’avait envoyé à Mayence où il se fit engager secrétement parmi les ouvriers de Gutenberg. Il y apprit l’art de l’imprimerie, avant de le pratiquer ailleurs, et finalement à Venise. Parmi les autres imprimeurs de la ville on trouve l’allemand Johannes de Spire, qui avait épousé la fille d’Antonello di Messina, et imprima les Lettres de Cicéron et l’Histoire Naturelle de Pline.
Par la suite le nombre des imprimeurs à Venise croît jusqu’à atteindre une cinquantaine. La concurrence entre eux est sans doute trop forte, la moitié font faillite. Ceux qui restent trouvent la solution dans une spécialisation par type de fabrication. A la fin du siècle Venise est devenue le centre européen le plus important pour l’imprimerie. Elle ne sera dépassée que par Paris, dont les éditions étaient en grande quantité, mais de moindre qualité. C’est l’époque d’Aldo Manuzio et d’autres imprimeurs à peine moins célèbres, dont Philippe Colmet-Daâge présente quelques chefs-d'œuvre richement décorés, et parmi eux une aquarelle d’Albrecht Dürer.
Par la suite le métier d’imprimeur s’efface, celui de l’éditeur devient prééminent, et le caractère commercial prend le dessus. Ainsi, peu de temps après l’époque considérée, pour assurer une grosse commande de Londres pour l’Histoire de Florence de Leonardo Bruni, on voit déjà entrer en jeu la sous-traitance. C’est qu’à l’èpoque pour fabriquer 200 volumes il fallait compter 2 mois de fabrication !
Philippe Colmet-Daâge termine en rêvant que Gutenberg aurait raté l’un de ses examens à l’Université d’Erfurt par l’absence de textes à étudier - manuscrits à l’époque. De là serait née sa recherche effrénée et la mise au point du procédé de reproduction. qui serait devenu l’imprimerie. Pourquoi pas ?
Cette réflexion qui marque la fin d’un exposé très applaudi, reste dans le ton qui l’a animé : didactique mais convivial, invitant à la participation, parsemé de raisonnements subtils, tels celui de l’art d’adopter les nouvelles techniques sans bousculer les vieilles habitudes, démontrée par le dessin d’une calèche devenue wagon de chemin de fer.
Sollicitée, l’assistance se passionne et s’amuse. L’humour de Philippe Colmet-Daâge est renforcé par une dose choisie d’auto-dérision, comme avec le sujet de la guerre fratricide des archevêques de Mayence qu’il hésitait à évoquer. Mais n’est-ce pas cette guerre qui a poussé les imprimeurs allemands à fuir la ville et répandre en Europe la révolution de l’imprimerie ?
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