Giulia nous a brossé un panorama complet de sa région le Piémont et des piémontais, développant en particulier leur caractère, lhistoire du Piémont, sa géographie et ses ressources, mettant en valeur certains points ou épisodes peu connus, agrémentant sa conférence de lectures dauteurs faites par Colette Blondeau ou dextraits musicaux, et terminant par une présentation de diapositives traitant tout à tour les 8 provinces : Torino, Novara, Alessandria, Vercelli, Cuneo, Asti, Biella, Verbania.
Giulia nous le dépeint comme réservé, mais réaliste et souvent orienté vers laction sociale. Si lon y trouve relativement peu de poètes ou de mystiques, en revanche au 19e siècle la révolution industrielle sest accompagnée de la création de très nombreuses uvres sociales de la part de non moins de 60 saints et bienheureux, parmi lesquels Giulia nous cite :
Bien sûr, Giulia na fait que passer, sans sattarder, sur ces saints hommes du Piémont, mais ils lui ont permis de mettre en évidence ce trait de caractère qui lui tenait visiblement à cur : laltruisme des piémontais, leur esprit de solidarité, comme aussi la réputation quils en ont, et dont elle fournit des exemples vécus.
Mais si les piémontais sont sobres et fiables, ils ne manquent pas de sentiments et Giulia nous fait écouter une berceuse (ninna-nanna) piémontaise, répandue dans tout le Nord de lItalie, qui nous montre combien ils sont capables de tendresse.
Sa relation de lhistoire du Piémont ne tombe pas non plus dans les lieux communs : après lhistoire médiévale et la création de la maison de Savoie qui régnait à Turin, elle passe assez rapidement sur le Risorgimento bien connu de tous, explique le rôle de Cavour, et montre combien les peuples du Sud de lItalie, jusque là mieux traité par les Bourbons quon ne le pense généralement, ont été choqués et poussés à la révolte lors de la réunification et de ses mesures inattendues : service militaire de trois ans, paiement des impôts, autorité lointaine, langage ignoré, répression mal contrôlée, etc...
De manière inattendue, cest la première guerre mondiale, avec les sacrifices communs et partagés du Nord et du Sud, qui parvient à cimenter les deux parties de lItalie.
Avant cette guerre, on avait assiste à de très importants mouvements démigration de toute lItalie vers lAmérique du Nord et du Sud, et après la guerre vers lEurope. Bien entendu, de très nombreux piémontais ont émigré à cette époque, et certaines personnes dans lassistance appartiennent à des familles piémontaises émigrées en France.
Après la guerre, cest lémigration de lItalie du Sud vers lItalie du Nord, en particulier vers Turin et ses fabriques dautomobiles.
Giulia sinterrompt un moment pour nous faire écouter la célèbre chanson démigrés : Mamma mia dammi cento lire... connue dans toute lItalie, et que fredonnent plusieurs personnes avec émotion.
Ces femmes du Sud que des hommes du Piémont ont voulu pour femmes et que décrit si bien Nuto Revelli dans lanello forte. Colette Blondeau nous lit lhistoire de Giuseppina quelle a traduite en français. La voici :
Giuseppina Raso, née à San Biase (province de Cosenza, en Calabre), en 1949 ; et Silvio Melchio, né à Demonte, province de Cuneo, au Piémont, en 1936.
Giuseppina
Je comprends le piémontais, ou plutôt je comprends le dialecte dici. Mais je parle un peu litalien et un peu le dialecte calabrais. Moi, je ne suis pas allée à lécole, parce que jétais la plus petite de la famille, et je devais rester à la maison.
Nous étions des paysans, nous avions des terres, cinq ou six lopins. Nous étions 9 frères et surs, ils sont tous allés au Canada. Une de mes surs a épousé un calabrais, et vit à Sydney, en Australie. Une autre a épousé aussi un calabrais, et vit près de Cuneo. Moi aussi je suis allée en Australie. Jai travaillé 2 ans dans une usine à Sydney, ce nétait pas trop mal, là-bas. Puis je suis revenue dans mon pays et jai repris la cueillette des olives.
Silvio
Comment jai fait pour trouver une femme ? Un soir, jétais sur la place à Demonte, occupé à discuter avec un représentant de machines agricoles à qui javais acheté une faux. Il me dit Maintenant tu devrais acheter une autre machine . Non, je nachète plus rien, lui ai-je répondu. Je dois me marier, jai déjà 35 ans. Quel sens a la vie, quand on est seul ? Il me dit ; Cela ne te gênerait pas dépouser une femme du Sud ? Une de mes clientes est de Peveragno, elle peut taider. Et cest ainsi que jai connu la sur de Giuseppina, qui était mariée et vivait à Cuneo. Là, jai vu une photo de Giuseppina qui ma plu. Et jai envoyé une photo de moi. Jen avais assez de vivre seul.
Quinze jours après, le père de Giuseppina a écrit pour que je vienne dans le Sud, et que je fasse la connaissance de Giuseppina. Son beau-frère ma accompagné dans un quartier de San Biase. Javais tous les documents nécessaires. Giuseppina était un peu timide et ne parlait pas. Le lendemain matin, nous sommes allés au village faire les formalités. Ensuite, nous sommes partis tout-de-suite parce que le travail et les bêtes mattendaient.
Puis Giuseppina est venue ici avec son père, une sur et deux de ses frères qui étaient revenus dAmérique. Il neigeait ce jour-là.
Giuseppina
Ici je me suis plu car le travail était moins pénible quau Sud. Là)bas, on porte les choses sur la tête, on utilise encore les pioches. Ici, nous avons les machines.
Silvio
Ce que je pense du Sud ? Au village de Giuseppina jai vu les femmes qui portaient le costume albanais, et jai demandé ; Mais que font-elles ? Cest Carnaval ?
Là-bas les traditions sont vivaces. La campagne est comme celle de Valloriate : beaucoup de petits champs où lon ne peut travailler avec
le motoculteur, on doit prendre la pioche. Les femmes du Sud qui se sont mariées avec des Piémontais ont montré une patience incroyable. Les parents ont eu le courage de donner leur fille à quelquun quils navaient jamais vu. Et moi qui suis allé au Sud, je navais rien à perdre. Ils ont plus de courage que nous. Les gens de là-bas sont très accueillants. Nous y sommes allés en 1973 et lhiver dernier. Quand Giuseppina est là-bas, je voudrais être avec elle. Depuis les dix dernières années, là-bas les choses se sont améliorées. Je pense que les filles ne sont plus disposées à venir au Nord pour sy marier.
Giuseppina
Si je devais recommencer ? Si, si, jépouserais de nouveau Silvio. Je ne le regrette pas.
Puis Colette nous lit la traduction du beau poème de Guido Gozzano sur Turin, que voici :
TORINO |
TURIN |
Come una stampa antica bavarese |
Comme une gravure bavaroise ancienne |
Un po vecchiotta, provinciale, fresca, |
Un peu vieillotte, provinciale, fraîche, |
A te ritorno quando si rabbuia |
Je reviens à toi quand mon cur sassombrit |
Parmi les diapositives, citons pêle-mêle les vues du Mont Viso et du Monte Rosa, de la Sacra di San Michele, les vignobles du Monferrato, le Château Grinzano Cavour, les forteresses entre le Piémont et la République de Gênes, la villa Taranto au lac Majeur et San Giulio au lac dOrta, les palais et musées de Turin, sa tour la Mole Antonellaniana (représentée sur les pièces de deux centimes deuro), léglise Santa Maria et la synagogue de Vercelli, le palais baroque du Municipio à Alessandria, Marengo et la statue de Napoléon (à voir les manifestations tous les 14 juin en souvenir de la bataille), le Sacro Monte di Crea et ses 21 chapelles, Aqui Terme.
A la suite dapplaudissements très chaleureux, les assistants posent diverses questions, entre autres sur le fascinant Musée Égyptien de Turin, les villages peints (Benedello dans la région de Cuneo), le dialecte piémontais et ses rappels du français, les problèmes de lémigration, lindustrie du textile à Biella, les vins piémontais, la truffe blanche dAlba etc...
Avant de nous quitter, Giulia nous promet de revenir dItalie pour nous enchanter par une nouvelle conférence.