Année 2017-2018 : 9 janvier 2018

Hommage à l'action de Geneviève Staelen,
présidente de l'ACORFI

Texte prononcé par Marie-Hélène Viviani

 

Nous avions coutume de la voir arriver tout sourire, clair regard vigilant, blonds cheveux emmêlés ou sagement coiffés, selon le caprice des jours .Toujours élégante, souvent de bleu vêtue, elle montait sur l’estrade, déposait son cartable, calme et déterminée. Les amateurs de la bell’ Italia avaient leur rendez-vous de quinzaine , salle Erasme, du nom de l’humaniste hollandais dont personne ne parlait, car pendant ces soirées voués aux rencontres italiennes, cet espace aurait bien pu s’appeler salle di Milano, Roma, Venezia , Firenze , Napoli, Palermo, Cagliari di Sardegna ! où gîtait, selon le rythme des saisons, le couple de Massieu, oiseaux migrateurs nourris de Sarditude. C’est eux qui proposent toujours aux convives gourmands de notre association, des plats exotiques délicieux et dûment arrosés. Belle occasion de s’exprimer avec un brio italianissimo ! Car nous étions au rendez-vous, souvent nombreux, réunis le temps d’un mardi soir, labellisé ACORFI = Association culturelle orléanaise de rencontres franco-italiennes. Présidente : Geneviève Staëlen depuis l’an 1999… !

Le mot “rencontre “ était celui que Geneviève avant tout privilégiait. Elle aimait les échanges décontractés, ces dîners conviviaux autant que les moments qui précédaient la conférence annoncée. Chacun appréciait ce temps de partage auquel elle avait su donner le ton, laissant les langues se délier dans une sympathique cacophonie.
Nous pratiquions un drôle de bilinguisme. On s’exclamait en italien, mi-écorché, mi-bien léché, en veine de nouvelles et de salutations ! Cette langue chantante nous attirait irrésistiblement puisque nous étions là , fidèles adhérents que rapprochait l’amour de l’Italie. Peu importait la justesse de l’accent ! Nous étions au pays de DANTE, terre d’art et de beauté, où la chanson monte aux lèvres spontanément : “ Ô Sole mio “ Volare “ Cantare “ Ti amo bel paese “ Bella ciao/ ciao/ “…. et Geneviève rayonnait dans cette ambiance ensoleillée… et même si la pluie d’Orléans frappait aux vitres de la salle, on ne l’entendait pas !

Notre présidente parlait couramment la lingua sorella, ainsi que Pierre, son époux, l’autre face d’une même médaille bien frappée : celle d’un couple entreprenant, complémentaire, indissoluble. Ils vécurent à Milan non loin du Duomo, fantastique joyau gothisant qui se pique toujours de rivaliser avec nos cathédrales. Rappelez-vous ce Duomo que Geneviève évoqua un soir de conférence, avec l’émotion de qui connaît de près un édifice sacralisé, comme seul peut l’être un chef-d’oeuvre d’architecture incomparable !
Non loin de chez eux, un autre lieu mythique: la Scala d’opéras et son brillant cortège de chanteurs et de divas, du meilleur cru international ! dont la bouleversante Callas ! La Scala ! lieu d’élection de notre présidente ! Tout comme Stendhal, amoureux de musique italienne, elle fréquentait ce temple assidûment. Je me souviens et sans doute vous aussi, de Geneviève Staëlen quand elle évoqua, un soir de conférence, cette salle milanaise vouée au bel canto dans tout l’éclat de ses soirées lyriques, animée d’une éloquence toute italienne. Geneviève ardente mélomane communiqua ainsi à qui voulait l’entendre le goût du Bel Canto. Son vocabulaire nous devint familier car en fervents amateurs, nous aimons prononcer les noms des injonctions musicales : moderato cantabile… allegro vivace… pianissimo … Fortissimo !

Nous avons entendu Geneviève évoquer Giuseppe Verdi, génial compositeur, icône du Risorgimento, que l’on a retrouvé à Bussetto lors d’un voyage organisé par notre association. Je nous revois sur les lieux verdiens de sa naissance, ceux de sa vie familiale , entre Bussetto et Roncole. Touristes curieux, voire excités, en visite dans la maison du maestro, nous avions envie de tout voir et de toucher les objets familiers dont le piano de Giuseppe d’où, semblait-il sortait l’écho d’une mélodie tissée des mille voix qu’il fit entendre. Gorgés d’émotion, nous flânions et parlions de ces arbres que Verdi planta et sous lesquels nous nous sommes reposés. Je me souviens Geneviève heureuse de vivre ce moment suspendu, celui du rêve éveillé qui vous emporte au-delà des nuages.

Ces voyages touristiques dans la botte italienne laissent au coeur de chacun mille souvenirs encore vivants. Nous reviennent en mémoire les beaux séjours que notre présidente préparait avec Jean-Paul Reynaud, impeccable organisateur. Ces balades nous menaient sur les routes des provinces italiennes jalonnées de villes splendides. Que de souvenirs intimes et contrastés pour chacun d’entre nous ! Me reste mémorable une soirée lyrique aux arènes de Vérone. Tonnerre foudroyant, pluie diluvienne, la nature déchaînée avaient balayé le plateau de scène, chassé la cantatrice toutes voiles dehors, déboussolée ! La malheureuse Aida soudain frappée par la foudre du ciel, s’était évanouie ainsi que les choristes en quête d’un refuge prévu… naturellement ! Car l’orage menaçait depuis des heures, tout ramassé dans un ciel gris de plomb.
Quant à nous malheureux spectateurs et gentils Acorfiens nous courions effarés dans les coursives des Arènes transformées en vaisseau submergé, à fonds de cale. Je me souviens de ma panique nerveuse face au calme olympien de Geneviève Staëlen ! On ne perd pas son sang froid quand tangue le navire ! On tient tête, on plaisante, on rit dans la tempête, on réconforte patiemment, on attend stoïquement que Jupiter tonnant aille se faire pendre ailleurs ! C’est ainsi que notre présidente m’est apparue, solide, résistante, tenace et souriante face à l’adversité. Tout comme elle le fut pendant toutes ces années heureuses où elle eut la charge de notre association . Il nous reste aujourd’hui à lui offrir un bouquet de pensées, un volume de souvenirs à feuilleter. Il évoquera les riches heures de L’ACORFI …

C’est ainsi que tous nous l’avons aimée et appréciée Aujourd’hui comme hier, elle tient la tête haute, cuirassée d’optimisme, attentive à tous ses amis Acorfiens qu’elle sait réconforter et faire rire d’un coup de baguette sur la bouteille de vin à déguster. C’est l’heure ! Levons nos verres et brindiamo ! Portons un toast à Geneviève et que les bulles d’un Prosecco pétillant l’enivrent du plaisir d’être celle à qui nous rendons hommage
Au nom de l’Acorfi et de tous ses amis, je lui tresse une couronne de lauriers. Chaque feuille de cet arbre vivace est imprimée, couverte de nos témoignages personnels qu’elle saura déchiffrer .
Vous ne verrez pas ce soir, cette auréole orner son chef de présidente car, comme vous le savez tous, depuis qu’un poète nous l’a dit “ L”essentiel est invisible pour les yeux “ on ne voit bien qu’avec le coeur “ .

Grazie mille Geneviève Staëlen !

 

Écouter l'hommage à Geneviève Staelen, prononcé par Marie-Hélène Viviani

©ACORFI