En Mars de l'année dernière, Jacques Darchez présentait à l'Acorfi une conférence très réussie appelée “Musiciens et Peintres du 19° siècle inspirés par l'Italie”. Cette soirée en est la suite, au 20° siècle toutefois. On rencontre encore un changement dans le titre, puisque cette fois les peintres y sont nommés avant les musiciens. Il ne s'agit peut-être pas d'un hasard, car il nous a semblé que les extraits musicaux étaient parfois un peu courts par rapport à l'ensemble des nombreux tableaux présentés. Mais c'était dû peut-être aux difficultés de restitution du son qui ont atteint la première partie de la conférence. Grâce à Claude Viviani et Marie-Chantal Chalot, la situation se normalisa rapidement, au grand plairsir des acorfiens et des invités venus nombreux pour cette soirée. Bien qu'un peu écourtée, elle fut en effet réussie, enrichissante et animée, nous laissant en souvenir quantité d'impressions variées. Cela vient sans doute de cette idée très heureuse qu'eut Jacques Darchez de présenter conjointement, à travers leur inspiration italienne, des tableaux et des morceaux de musique de même époque et influence, tout en soulignant les affinités entre écoles de musique et de peinture qui avaient surgi au même moment. Chaque tableau, chaque morceau de musique, nous est présenté par une diapo indiquant sa date de sa création. Cette idée a dû réclamer de notre conférencier beaucoup de recherches, pour répondre aux questions qu'on pouvait se poser : par exemple, en quel lieu de l'Italie a été peinte cette toile de Klimt, en quelle salle de concert ou par quel chanteur a été donnée cette interprétation du Sacre du Printemps de Strawinsky ? Mais rien ne le rebute, il aime chercher, et c'est en outre un mélomane convaincu. Quant aux thèmes italiens, ce sont souvent des paysages, même musicaux - “Les collines d'Anacapri” de Debussy - mais aussi des personnages, par exemple des saints italiens pour la musique, ou les personnages de la “Commedia dell'Arte” pour la peinture. Mais de tous les paysages italiens représentés, le plus fréquent demeure Venise, présente dans toutes les écoles de peinture. En passant, les précisions ne manquent pas : on rappelle que Delvaux et Magritte étaient belges, que Mazzaro est en Sicile (près de Taormina), on nous fait découvrir le cousin de Delacroix, Henry-Edmond Delacroix, dit Cross, on comprend par une toile d'André Masson l'influence du roman “Gradiva” sur la vocation de Freud, on se rappelle que Picasso a séjourné à Rome, et même l'on apprend qu'il y peignait en écoutant la musique d'Eric Satie ! Détails piquants et découvertes se suivent, et chaque fois il existe un lien pictural ou musical avec l'Italie source d'inspiration. Chacun aura de cette soirée conservé en mémoire une image ou un morceau qui lui serait cher. Nous, nous avons beaucoup apprécié l'interprétation, trop courte, par Gérard Souzay, de la Barchetta de Reynaldo Hahn; sans doute l'aimons nous parce qu'elle est issue d'un vieux disque à aiguille plein de nostalgie (une nostalgie peut-être inspirée par l'image d'un vieux disque Gramophone, astucieusement glissée par Jacques Darchez sur une diapo). D'autres se souviendront de la mélancolie qui émane de “l'Italienne” de Derain - une italienne du peuple parmi bien d'autres qui ont inspiré les peintres français. Pour d'autres encore c'est Paul, fils de Picasso, peint en Arlequin à l'âge de 6 ans, et son regard qui reste à interpréter... Des énigmes parfois, que nous sommes appelés à résoudre, comme chez Derain Arlequin et Pierrot qui dansent gaiement tout en conservant la gravité dans le visage, ou avec Picasso et sa double représentation des trois musiciens, avec pour grande différence la présence furtive de la queue du chat ! Merci à Jacques Darchez de nous avoir fait connaître - sans obligatoirement apprécier - la “Joconde aux clefs” - on pourrait ajouter “aux sardines”, de Fernand Léger, de nous avoir livré l'interprétation détaillée de “la Tentation de Saint Antoine” de Salvador Dali, de nous avoir permis de comparer les versions de “Romeo et Juliette” écrites par Tchaïkosky et par Prokofief. La période couverte par la conférence va de 1900 à 1985. On apprécie l'explication des courants successifs de la peinture et de la musique durant cette période, et leurs rapports éventuels avec les soubresauts de l'histoire - le surréalisme n'était-il pas une réaction à la guerre qui avait éclaté en Europe ? Certains thèmes picturaux sont approfondis hors du temps, comme celui des œuvres de Matisse et surtout, bien présentée, “La Danse” de Matisse. Ainsi le conférencier, après le charme des images et du son, nous livrait des thèmes de réflexion. Les acorfiens, très impressionnés, ne manquèrent pas de compléter la conférence par leurs questions, et leurs applaudissements, montrant ainsi combien ils ont aimé cette trop brève soirée. |