Cette conférence de Marcel Delabarre présentait dans son objet un mystère pour les nombreux acorfiens venus y assister. Sans doute s'agissait-il d'une relation de voyage en Sicile. De vagues indices étaient apportés. Le voyage se déroule au XIXème siècle, à la fin du siècle avait généreusement précisé le conférencier. Mais sans le dire, il nous donnait à déchiffrer une énigme. Qui est donc cet écrivain dont on ne savait même pas s'il était français ?
Si l'on attendait une réponse rapide on devait être déçus car on ne connut la réponse qu'à la fin. Mais entretemps la conférence se déroula fort agréablement, Marcel Delabarre suivant fidèlement le parcours de l'écrivain en Sicile, citant des extraits choisis de son ouvrage, tout en les commentant et développant, et l'on ne pensait plus au nom de l'écrivain.
On suivit donc le voyage dans ses différentes étapes : départ en Août 1892 de Marseille par bateau, bref passage en Tunisie puis à Malte, enfin la Sicile : Syracuse, Palerme, Monreale, Segesta, Catane, Messine, et le retour par Naples. Le parcours en Sicile s'effectue en train, voiture à cheval, à pied pour les visites. L'écrivain rencontre beaucoup de siciliens, et on évoque ainsi les mœurs de la Sicile à cette époque, le laxisme des autorités, la mafia envahissante, acceptée dans la résignation.
Notre conférencier, qui jusqu'à ce jour nous présentait des sujets scientifiques, se fait ici conteur. Avec verve il restitue les dialogues amusants de l'écrivain et des "personnes simples" qu'il rencontre, exposant ainsi toute leur drôlerie. Très à l'aise, il reste près du texte et le met en valeur.
En même temps il apporte toutes précisions chaque fois que nécessaire et s'accompagne d'images bien choisies, que l'on devine difficiles à trouver, s'agissant parfois de photographies du siècle dernier.
De la relation chacun retiendra ses passages préférés. Pour nous, nous avons en mémoire - pour le voyage italien - la description de Segesta, la procession de Sainte Rosalie, l'escorte du "latifondista" Duc d'Aumale, la tarentelle de Reggio, surtout l'âpre paysage de l'ascension (incomplète) de l'Etna et l'enthousiasme des napolitains quand se liquéfie le sang de Saint Janvier.
Avant de nous dévoiler le nom de l'écrivain, Marcel Delabarre fait un dernier rappel historique. A la question : de tous les envahisseurs de la Sicile, auxquels donner la préférence, le sicilien interrogé désigne les rois normands. Puis il nous livre le nom de l'écrivain : René Bazin, rappelant ses œuvres et sa place dans la littérature.
Les acorfiens ont tout apprécié de la restitution d'un écrit oublié, dans une véritable mise en scène, aussi instructive qu'amusante. Et c'est spontanément que leurs applaudissements viennent clôturer une excellente soirée.