Rome a fait partie de l’Empire Byzantin pendant deux siècles, et pourtant, d’après notre conférencier Jean-Paul Maugis, certains nient leur influence artistique à Rome. Son exposé, dit-il pour commencer, veut démontrer le contraire, en nous faisant voir et connaître les réalisations byzantines à Rome durant la période qui va de l’an 553 à 755, de Justinien au départ des byzantins.
Outre ses recherches, il cite l’expert de l’art médiéval à Rome Maria Andaloro, professeure à l’Université de la Tuscia (Viterbe).
Quatre phénomènes ont caractérisé pour Rome cette époque :
Au début de la période la Rome impériale, réduite à 30 000 habitants, est très délabrée, mais les lieux de culte chrétiens sont en place : basiliques, églises, cimetières, etc… C’est dans ces lieux que l’on voit se présenter l’influence byzantine sur l’art romain. À l’aide d’images rares et bien choisies, notre conférencier met en évidence cette influence, souligne tous les détails qui caractérisent l’art byzantin, et nous permet en même temps de comprendre et d’apprécier la qualité de cet art. Chaque exemple est illustré dans le moindre détail, sans négliger la datation de l’œuvre, connaissable par le pape qui l’a suscitée. Et pour compléter notre plaisir de parcourir une Rome méconnue pour beaucoup d’entre nous, Jean-Paul Maugis précise chaque fois la situation de l’œuvre, dans le bâtiment ou la ville.
Citons d’abord les sites visités en parcourant ainsi la Rome byzantine :
et du 8e/9e siècle :
À la fin le temps a manqué pour visiter la basilique de Santa Prassede, sur l’Esquilino, près de Santa Maria Maggiore, et sa chapelle de Saint Zenon, et celle de Santa Maria in Domnica, sur le mont Celio !
Pour démontrer les bouleversements qu’apportait l’art byzantin, le conférencier nous fait d’abord admirer l’abside en mosaïques de la Basilique de Côme et Damien, exemple de l’art romain antérieur qu’il loue et commente abondamment. Présentée ensuite, l’abside de Santa Pudenziana est aussi romaine.
Il en dresse ensuite la comparaison avec l’abside de Saint Théodore, qui montre elle aussi le Christ avec Pierre et Paul, citant parmi les traits caractéristiques de la figuration byzantine, le fond d’or intemporel, l’absence de profondeur, la dématérialisation des personnages.
La mise en évidence des traits byzantins continue par l’abside de Saint Agnès Hors les Murs, en soulignant le corps raide et allongé de la sainte, la pose frontale et hiératique. Le rapprochement suggéré avec la Saint Agnès du groupe bien connu des saintes martyres de Saint Appolinaire de Ravenne nous a tous frappés.
On continue avec les catacombes de Commodilla, dont le groupe formé par la Vierge et l’Enfant, deux saints, et la bienfaitrice, attire les mêmes remarques, en notant aussi les yeux en amande et la ligne allongée du nez qui forme une croix avec les sourcils, auxquels s’ajoute un autre trait byzantin, la perspective inversée.
San Stefano Rotondo a pour modèle l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem avec les mêmes proportions. On n’est pas surpris d’apprendre que le pape qui l’a fait construire était né à Jérusalem.
Une surprise nous attend à l’église Santa Maria Antiqua. Il s’agit d’un palimpseste, en l’occurrence quatre fresques superposées, disparues lors d’un glissement de terrain, et exhumées au 20 ° siècle. Dans la confusion qui en résulte, Jean-Paul Maugis apporte la clarté, et nous fait remarquer les éléments de chaque fresque, et en particulier celle qui dépeint l’annonciation, avec la tête d’un ange qui fait directement penser à la peinturé hellénistique du V° siècle avant J.C. Ce rapprochement significatif confirme encore l’origine grecque de la décoration d’église de l’époque.
Cette peinture et les mosaïques décrites trouvent une suite naturelle dans les icônes, dont nous voyons quelques exemplaires présents dans les églises du Trastevere, à Santa Maria Nova (la Madonna del Conforto), et à Santa Maria ad Martyres l’église du Panthéon.
Ces belles icônes sont très admirées par les spectateurs. Elles rappellent beaucoup l’Orient, l’une d’elles renvoie à Alexandrie (El Fayoum disent certaines d’entre nous).
Au milieu de son parcours dans les églises romaines, en nous montrant les images du Christ, notre conférencier nous a permis de saisir le grave problème qui s’est posé aux premiers chrétiens, celui du visage du Christ. Les Evangiles ne disent rien à ce sujet, et quand le Christ réapparaît après sa mort, ses proches ne savent pas le reconnaître. Cette réflexion profonde nous a aidés à mieux comprendre ce qu’était le monde du christianisme à ses débuts et à mieux apprécier encore les œuvres présentées.
En fait, après l’image d’un homme imberbe représentée au début dans les catacombes de Marcellino et Pietro, l’image du Christ qui va s’imposer est en partie inspirée par celle des anachorètes du Proche-Orient.
Nous partageons la même impression de crainte et d’incertitude quand le conférencier nous présente le Christ en Croix de la chapelle de Saint Théodote (dans la basilique de Santa Maria Antiqua). On répugnait alors à représenter le Christ mort sur la croix et à exposer l’objet de ses souffrances. C’est la raison pour laquelle le Christ est représenté la tête droite sur le corps, les yeux ouverts, le corps revêtu d’une tunique qui cache sa plaie de côté, les bras droits et horizontaux.
C’est la même image du Christ qu’on retrouve au Monastère de Sainte Catherine sur le Mont Sinaï. On peut y voir la preuve d’un courant oriental (Maria Andaloro parle, non pas de l’Orient, mais «des Orients») provoqué par l’arrivée à Rome aux 8° et 9° siècles d’un nouvel afflux des moines de Palestine, Syrie et Egypte, en raison de la crise iconoclastique et des persécutions qui s’ensuivirent. Leur influence est visible dans les Eglises Santa Maria in via Lata et San Saba.
En même temps des communautés de langue grecque venues du Proche Orient s’établissaient au Sud de l’Italie (Pouilles et Calabre) dont les traces sont encore visibles.
La conclusion du conférencier Jean-Paul Maugis : durant la présence de Byzance à Rome, son influence sur l’expression artistique n’était pas que ponctuelle, en fait la
composante byzantine a constitué l’épine dorsale de toute la production artistique.
Après les applaudissements des acorfiens ravis, la Présidente demande à Monsieur Maugis de revenir l’année prochaine nous présenter une nouvelle conférence, appuyée chaleureusement par tous les adhérents