Année 2009-2019 : 20 avril 2010


Albert Camus et l'Italie

par André Lingois

 

André LingoisEn préalable à sa conférence, on rappelle comme d’habitude celles que notre conférencier André Lingois a données à l’Acorfi dans le passé. Les thèmes en sont très variés, mais il est un sujet fréquemment rencontré, celui des voyages en Italie des écrivains français, et des impressions qu’ils y ont ressenties.

Après Jean-François Revel, c’est cette fois le Prix Nobel Albert Camus et ses cinq voyages en Italie qui sont évoqués. André Lingois, accompagné d’un deuxième lecteur, notre adhérent Jean-Claude Ferec, nous lit des textes écrits par Camus à l’occasion de ces voyages, soit dans ses lettres ou notes de voyage, soit des passages de romans ou de nouvelles. Les commentaires du conférencier vont au-delà des épisodes italiens, et les insère dans la vie de l’écrivain comme elle se déroule. Les circonstances mêmes des voyages nous sont soigneusement décrites, en des relations détaillées qui nous font mieux participer aux évènements. Les lectures et les commentaires ont le support d’images projetées, judicieusement choisies, aptes à nous plonger dans l’ambiance et à nous faire mieux connaître l’écrivain. Un grand document distribué à l’assemblée contient une sélection des remarques et des réflexions faites par Camus, et permet de suivre mieux les lectures ou d’en conserver le souvenir.

L'estradeDerrière ce déroulement impeccable il est difficile de découvrir les difficultés réelles rencontrées par le conférencier dans son entreprise : car en fait Camus n’a pas laissé beaucoup de témoignages de ses voyages. Et pourtant ses liens avec l’Italie sont réels, comme le démontrent ses relations avec les grands écrivains italiens de son temps, tels Piovene, Silone ou Moravia. Il a même mis en scène à Paris la pièce «Un caso clinico» de Buzzati, s’efforçant de respecter en français aussi bien le style que l’esprit de l’auteur. Et dans le domaine de l’art, les préférences de Camus pour la fraîcheur et l’authenticité de Giotto et Andrea del Sarto ne nous surprennent pas.

Beaucoup de choses nous ont frappés lors de cette conférence très réussie, mais nous retenons l’enfance de Camus dans le quartier Belcour et la ville d’Alger, si proche alors des villes portuaires italiennes, Gênes ou Naples, nous nous souvenons de sa mère d’origine espagnole, de son père tué à la guerre, nous apprenons le soutien avisé de son maître d’école, nous sourions de sa photo de gardien de but, tirée avant sa maladie, plus tard nous connaîtrons ses démêlés avec Sartre et Simone de Beauvoir; nous nous souvenons aussi de la modestie de ses logements lors de ses premiers voyages en Italie. Il aimait tant cette vie simple que plus tard, une fois invité à Rome par l’Association Culturelle Italienne, il quitta le grand hôtel de luxe qui lui avait été attribué pour s’abriter dans une pension de famille.

Nous retenons surtout la sympathie naturelle de Camus pour le petit peuple italien, celui des scènes de rue, et aussi ses descriptions émerveillées des paysages florentins ou de petites villes comme San Leo ou Gubbio. Nul doute que Camus, homme de la Méditerranée, se soit senti chez lui en Italie, et qu’il y ait bien rencontré les instants de vrai bonheur qu’il rappelle.

Tout cela, Camus le dit dans un beau texte final, lu avec flamme par André Lingois, et qui résonne comme un hommage vibrant à la gloire de Sienne, des italiens qu’il aime, et d’une Italie trop brièvement connue, texte chargé d’émotion partagée par l’assistance, qui applaudit plusieurs fois avec chaleur.

Les questions n’ont pas manqué en fin de conférence et apportent en particulier des précisions sur la personnalité de Camus et la présence à Alger de réfugiés politiques italiens de cette époque.

©ACORFI