Année 2009-2019 : 8 décembre 2009

Isabelle d’Este, marquise de Mantoue

par Marie-Hélène VIVIANI

  

Isabelle d'Este par Léonard de VinciIsabelle d’Este naît à Ferrare le 8 mai 1474, fille aînée du duc Hercule et de la princesse Éleonore d’Aragon. Elle passe une enfance et une jeunesse dorées au château ducal et dans les belles résidences familiales dont le palais Schifanoia. Entourée d’affection, elle reçoit une éducation soignée et une solide instruction selon les règles humanistes qui font d’elle une princesse aussi raffinée que savante. Belle, intelligente, éprise de poésie, elle pratique les arts d’agrément dont la danse et le chant où elle excellera toute sa vie.

Dès l’enfance promise au marquis de Mantoue, elle épouse François de Gonzague à l’âge de 16 ans et vient vivre au castello San Giorgio .
Son époux est un vaillant condottiere. Tantôt au service de Venise, tantôt au service du pape ou de l’empereur, il est souvent absent. Situation qui fera d’elle, à plusieurs reprise, la régente du territoire mantouan. Femme de pouvoir, elle peut alors exercer son talent politique dans le but de conserver l’indépendance du marquisat toujours convoité par des voisins plus puissants.
Femme de goût et de lettres, elle s’intéresse à l’aménagement du palais princier. Elle fera orner ses camerini, son studiolo, sa grotta par les meilleurs artistes de son temps. Mantegna vit et travaille à la cour de Mantoue. Le Pérugin, Lorenzo Costa, Cristoforo da Romano réaliseront de belles œuvres pour elle. Leonard de Vinci fera un élégant dessin à la sanguine de la jeune Isabelle. Plus tard Le Titien la peindra dans ses beaux atours de marquise, la tête ornée de son célèbre turban.

Femme de tête, femme savante, femme de pouvoir, elle marque de son sceau le gouvernement de Mantoue. Influente, admirée, critiquée, elle saura affronter princes, rois de France et papes redoutables, tels Alexandre VI Borgia, Jules II et Clément VII. Tous hommes puissants qu’elle affronte quand ils menacent l’indépendance de Mantoue et la puissance de la famille d’Este.

En 1495, elle connaît la gloire auprès de son valeureux époux quand vainqueur, à la bataille de Fornoue, il chasse Charles VIII d’Italie. Elle connaîtra aussi l’humiliation quand le même héros, peu doué pour la diplomatie, tombera aux mains des Vénitiens qui le retiendront prisonnier pour cause de trahison. Isabelle plus habile que son époux saura pratiquer double jeu, forme de politique à laquelle elle se pliera pour la survie de sa principauté.
Mère de huit enfants, la chronique rapporte sa nette préférence pour Frédéric, son fils-héritier qu’elle chérit ardemment. Reste d’elle une importante correspondance adressée tant aux artistes de son temps dont Léonard, Le Pérugin et Pietro Bembo, qu’à son amie, Elizabeth, la duchesse d’Urbin. Correspondance étroite avec son mari qu’elle pourvoie de conseils de prudence et prétend diriger. Son don de la diplomatie se révèle dans ses missives au redoutable César Borgia.

Isabelle d'Este parLe TitienÀ son grand dam, il deviendra son beau-frère, quand son frère Alphonse d’Este épousera Lucrèce Borgia, sœur de César, fils du pape Alexandre VI. Ambitieuse, éprise de grandeur, elle saura amadouer le violent pontife Jules II. Sur ses instances, il acceptera de prendre sous son aile le petit Frédéric dont elle doit se séparer pour obtenir la libération de son son mari, prisonnier de la Sérénissime.

Sa vie sentimentale n’est pas celle de Lucrèce Borgia ! Très admirée pour son élégance, sa conversation pleine d’esprit, son art de gouverner, elle représente avec éclat, le type même de la princesse de la Renaissance italienne. À l’aise dans les conflits politiques, elle saura habilement gérer des différends aussi bien avec Charles VIII et Louis XII qu’avec François 1er, quand, au fil des guerres, les rois de France descendront en Italie revendiquer leur héritage napolitain et milanais.

Face à l’adversité, elle se bat, accueille au palais de Mantoue les princes amis chassés de leurs palais par le redoutable César Borgia : Bentivoglio de Bologne, Montefeltre d’Urbino, comtes de Pesaro.
Après la mort de son époux François, la marquise vit à Rome au milieu de ses amis humanistes jusqu’au déferlement des armées de Charles Quint en 1527. Elle montre courage et de force d’âme lors du Sac de Rome qui ébranle la Chrétienté toute entière. Dans sa résidence du palais Colonna qu’elle fait barricader, elle ouvre ses portes à 2000 réfugiés, les mettant ainsi hors de danger. Ayant obtenu le chapeau de cardinal pour son fils Hercule, auréolée de gloire, elle regagne Mantoue libérée par son fils Ferrante.

Son fils Frédéric, prince héritier tient alors les rênes du pouvoir. Isabelle peut donc se reposer et jouir de ses collections d’œuvres d’art. Elle jette les derniers feux de sa vie éclatante le jour du couronnement de Charles Quint qui a lieu à Bologne. L’empereur content des services du prince Frédéric fait du marquisat de Mantoue un duché, en même temps qu’il rend hommage à l’illustre marquise.

Elle réalise son vœu de marier son fils Frédéric à Marie Paléologue puis prend le temps de se rapprocher de sa fille Éléonore qu’elle a mariée au neveu du pape Jules II, le duc Francesco della Rovere. L’âme en paix , après une courte maladie, elle rend son âme à Dieu en 1539.
À sa demande, elle sera enterrée près de son époux dans le tombeau des Gonzague, chapelle San Andrea de Mantoue.
Ainsi vécut Isabelle d’Este, “La prima Donna del Mondo“, comme la chante le poète l’Arioste, fervent admirateur. Louée par ses contemporains, elle reste l’une des figures féminines les plus rayonnantes de son époque.
Un siècle après sa mort, en 1630, ses admirables collections d’œuvres d’art seront pillées et éparpillées lors du saccage du palais de Mantoue. Aujourd’hui, certains musées, dont le Louvre, conservent quelques-unes des belles réalisations artistiques qu’elle a commanditées.

Sic transit gloria mundi ! ainsi passe la gloire du monde.

©ACORFI