Année 2008-2009 : 9 juin 2009

Guareschi et Don Camillo,

par Pierre STAELEN

 

Giovannino Guareschi était le créateur de Don Camillo et de Peppone, les personnages de cinq films qui connurent un grand succès. Il fut aussi journaliste pamphlétaire, dessinateur brillant, conteur exceptionnel, et chantre de sa région du Po, la Bassa.

Indépendant et intraitable, il connut la prison des camps nazis, et plus tard, par suite d’un différend avec le Premier Ministre De Gasperi, celle de Parme.

Les contes qu’il publiait dans la presse étaient lus par des millions de lecteurs. Ces contes mettaient en scène le «petit monde» des habitants de la Bassa, ou bien la famille traditionnelle italienne.

Ils étaient fréquemment illustrés de petits dessins de Guareschi lui-même, bien dans le style de divertissement et d’humour qu’il affectait. On trouve une manifestation de cet humour dans la signature de ses dessins, où il se représentait lui-même.

Ce sont les personnages populaires de Don Camillo et de Peppone qui ont fait la gloire mondiale de Guareschi, Don Camillo curé à l’ancienne, Peppone maire communiste ami du peuple, l’un et l’autre toujours en querelle, et finalement liés par l’amour de leur région et de ses gens.

Les films tournés dans la Bassa par le metteur en scène français Duvivier avec pour interprètes Fernandel et Gino Cervi connurent un immense succès et ils sont encore de nos jours programmés par les chaînes de télévision.

Mais les autres personnages des contes de Guareschi, moins connus en France, méritent une meilleure connaissance. Les principaux sont d’inspiration familiale : lui-même, son épouse Margherita, ses enfants Alberto et Carlotta, qu’il appelait la Passionaria, plus tard ses petits-enfants Michelone et la Fenomena, et enfin Giò’, la collaboratrice familiale.

La personnalité hors du commun de Guareschi le fit s’opposer aux allemands et plus tard aux chefs de la Démocratie Chrétienne. Cas unique, il connut deux sortes de prison : les lagers nazis, et la prison de Parme. Intraitable, il s’opposa après la libération au communisme doctrinal, et s’attira l’opposition acharnée de l’élite intellectuelle.

Décédé en 1968, Guareschi eut le temps d’opposer Don Camillo au clergé d’avant-garde, et de dresser le tableau du consumérisme, de défendre la protection de la nature, et de fustiger les spots télévisés.

 Bibliographie

Les principales œuvres de Guareschi peuvent se répartir en plusieurs catégories :

Diaro clandestino

C’est le journal clandestin de sa captivité dans les Lagers allemands.

Après son retour, il rassemble notes et souvenirs et les publie sous forme de. journal.

Malgré les conditions très dures imposées aux prisonniers italiens, Guareschi s’efforce de maintenir le moral de ses camarades et va de baraque en baraque en racontant des histoires. Ses contes montrent une grande tendresse pour sa femme et ses jeunes enfants.

Il y avait 600.000 prisonniers italiens, 50.000 ont disparu. Guareschi s’exclame «non muoio neanche se mi ammazano» (je ne mourrai pas, même si l’on m’assomme) et se laisse pousser les moustaches pour, dit-il «avere qualcosa a cui aggraparsi» (avoir quelque chose à quoi se cramponner)

Corrierino delle famiglie

Recueil d’histoires parues
sous ce titre dans la revue “Candido”, de 1949 à 1953.

Met en scène des personnages familiaux, lui-même, sa femme Margherita, ses enfants Alberto 12 ans et Carlotta, 6 ans, qu’il appelle la Pasionaria,.

Les sujets sont ceux de tous les jours, le travail, l’école, l’éducation, en somme les problèmes du quotidien, de la “gente comune”

Vita con gio'

À la demande du directeur d’Oggi, Guareschi a réalisé dans années 60, durant 4 ans, une chronique hebdomadaire sur tous les sujets, mais surtout la télévision.

Ses thèmes sont le consumérisme, alimenté par la publicité télévisée, le culte des vedettes, la face cachée du progrès et du bien-être, la pollution, la sédentarisation des gens de la campagne, la contestation.

Les personnages : de nouveau sa femme Margherita, ses petits-enfants Michelino et la Fenomena, surtout Gio’

Gio’ est l’abréviation du prénom Gioconda de la “collaboratrice familiare”. C’est un personnage inventé, et sympathique, grande lectrice de revues de TV; assoiffée de modernisme, elle contraste avec le ménage traditionnel de Guareschi et de sa femme.

 

Don Camillo et Peppone

C’est la série de contes humoristiques appelée “Mondo piccolo” publiés dans Candido à partir de Noël 1946, la dernière histoire paraissant sur Oggi en décembre 1966; en tout 346 contes publiés et republiés en plusieurs volumes.

Les mêmes personnages se retrouvent dans chaque histoire, même les personnages secondaires.

Le théâtre d’action est la Bassa Parmense, entre Parme et le Pô.

Don Camillo le curé traditionnel et Peppone le maire rouge s’opposent en tout. Chaque action de l’un est contrecarrée par l’autre, ils se mystifient l’un l’autre en permanence.

Tous deux sont d’anciens résistants, ils aiment la bagarre et les épreuves de force. Peppone est bouillant, Don Camillo est plus réfléchi et guidé par le Christ représenté par le grand Crucifix de l’église qui dialogue avec lui, et que Don Camillo porte dans une scène célèbre de procession solitaire.

Le point commun de Don Camillo et de Peppone est leur attachement à la Bassa et à ses habitants, à la terre, et à la tradition.

Dès le premier livre paru en 1948, c’est un énorme succès de librairie. Ces livres, non reconnus par les milieux littéraires, n’ont obtenu qu’un seul prix, le prix Bancarella.

Les critiques les plus directes venaient de certains milieux catholiques, mais surtout de la direction communiste qui n’admettait pas le personnage de Peppone.

Le dernier recueil porte les noms de “Don Chichi e altre storie” (Don Chichi et autres histoires) et celui de “Don Camillo e i giovani d’oggi” (Don Camillo et les jeunes d’aujourd’hui). Il met en scène un prêtre moderne Don Francesco opposé à Don Camillo, ainsi que la nièce de Don Camillo et le fils de Peppone.

Filmographie

Cinq films, inspirés par les histoires de Guareschi, ont été tournés. Ils mettaient tous en scène Fernandel, dans le rôle de Don Camillo, et Gino Cervi, dans le rôle de Peppone.

Les deux premiers films étaient l’œuvre du metteur en scène français Duvivier, les trois autres de l’italien Gallone.

En voici les titres :

Le choix de la bourgade pour y tourner les extérieurs se fit en juillet 51 : ce fut Brescello située en province de Reggio-Emilia, limitrophe de la Bassa, région où sont situées les histoires de Guareschi. et non la province de Parme (Guareschi voulait Roncole ou Busseto). Les scènes d’intérieur ont été tournées à Cinecittà.

Les films étaient interprétés en italien et en français. Ainsi Fernandel interprétait son rôle en français et il était doublé en italien, la voix du Christ est celle de Ruggero Ruggeri.

Le grand Crucifix a été créé sur instructions de Duvivier, il se trouve maintenant dans une chapelle de l’église de Brescello.

Le premier film connut d’emblée un très grand succès qui justifiait la réalisation des films qui ont suivi. Un sixième film, «Don Camillo e i giovani d’oggi» (Titre français : Don Camillo et les contestataires», a été commencé en 1970 sous la Direction de Christian-Jaque. Mais Fernandel étant tombé malade (il mourut un an plus tard), le film dut être interrompu et resta inachevé.

Comme les livres, les films ont été traduits et diffusés dans les langues les plus répandues.

Un musée à Brescello présente une grande partie des objets utilisés pour la mise en scène, et même un authentique char américain de la dernière guerre

©ACORFI